Philippe Geluck : «Je l’ai lu, il est très bien !»

Philippe Geluck : «Je l'ai lu, il est très bien !»

Le plus célèbre félin de Belgique s’offre un joli gourdin pour le 17e tome de ses aventures. Rencontre avec un maître comblé !

Alors, comment jugez-vous cet album ?

Je l’ai lu (rires). Je suis très content du résultat. Il y a toujours un délai entre le bouclage de l’album, avant les vacances, et le moment où il arrive de l’imprimerie. J’ai eu le temps de l’oublier un petit peu, et au final, c’est une bonne surprise. Il est comme je l’espérais : insolent comme il faut, varié, continuant à renouveler le genre.

En 17 albums, comment faites-vous pour ne jamais vous répéter ?

J’ai une bonne mémoire. Je peux ainsi resituer un gag dans son contexte, son histoire. Et depuis une quinzaine d’années, nous constituons une base de données dans laquelle tous les gags sont repris, avec texte et descriptif. C’est très performant en cas de doute.

Quels sont les critères d’un bon gag ?

Il faut qu’il surprenne, qu’il fasse rire et si possible réfléchir ensuite. S’il dispose d’une de ces qualités, c’est déjà bien. Dans un album, j’essaie de faire un mix de toutes les façons de faire rire que je puisse développer : gravure détournée, dessin avec guest-stars, et même une nouveauté, des dessins d’actualité. Sarkozy dans un album du Chat, c’est une consécration, pour lui !

«Le clou de mon cercueil !»

Mais vous vous inspirez rarement de l’actualité brûlante…

J’ai toujours estimé que ce genre de dessins avait peu de pérennité. L’actualité du jour chassant celle de la veille, les sujets deviennent obsolètes très rapidement. C’est le problème que rencontre Kroll ou DuBus : dès que le sujet n’est plus dans le moment, on ne sait plus de quoi ça parle. Par contre, mon premier livre qui date de 1986 peut encore être lu aujourd’hui par un gamin de 12 ans, et il va se marrer à tous les gags. Si j’avais parlé de Jean Gol ou de Guy Spitaels, les lecteurs d’aujourd’hui ne s’y retrouveraient plus.

Vous arrive-t-il que des lecteurs vous envoient des suggestions de gags ?

C’est un clou de mon cercueil. Je n’arrête pas de recevoir des courriers, des compilations où l’on m’écrit : « Monsieur, je crois avoir beaucoup d’humour…», enfin même pas, «j’ai beaucoup d’humour, je suis celui que vous attendiez, etc.» Je n’ai jamais donné suite à ce genre de sollicitations. Le Chat est tellement l’émanation de moi-même que je ne peux imaginer le dessiner avec un gag écrit par quelqu’un d’autre. Cela ne fait pas partie de ma manière de travailler.

En 1983, lors de la parution du premier dessin du Chat dans Le Soir, vous attendiez-vous à un aussi long succès ?

Non. Quand j’ai inventé le Chat, j’avais juste le sentiment que ça allait être important pour moi, que j’avais créé quelque chose qui allait me suivre un certain temps. Mais je ne croyais pas si bien dire !

«Le Chat, cette vieille actrice»

L’an prochain, le Chat aura donc 30 ans. Prévoyez-vous un anniversaire spécial ?

Non, car le Chat devient comme une vieille actrice, il ne veut plus qu’on évoque son âge. J’ai fêté ses 20 ans, ses 25 ans, et après il m’a demandé de contourner le sujet. Je ne veux pas non plus qu’il devienne une machine à anniversaires. Mais peut-être fêterai-je ses 32 ans et demi…

Vous n’avez jamais eu peur de lasser ?

C’est une crainte que j’ai depuis le début ! Au bout de deux ou trois albums, je disais déjà que le jour où ça commencerait à lasser, j’arrêterai ! Et ce jour n’est pas arrivé. J’ai suffisamment de capteurs en moi pour savoir quand arrêter, comme lorsque j’ai quitté «Lollipop», «Le Jeu des dictionnaires», Drucker, Ruquier… Peut-être qu’avoir cette décision très tranchée à l’esprit m’a aidé à me renouveler. Mais je m’amuse toujours, j’ai la banane en me mettant à ma table à dessin !

N’avez-vous jamais eu l’idée de faire faire au Chat un régime «à la De Wever» ?

Non. Les gros font rire. De Wever avait un côté ridicule quand il était gros, maintenant il ne fait plus rire. Il est même inquiétant. Je n’ai pas envie que le Chat cesse de faire rire…

«La Minute du Chat» reviendra-t-elle pour une 2e saison en télé (La Une et France 2) ?

Il n’y a pas encore d’échéance, mais j’y travaille, avec deux animateurs principaux. France 2 avait interrompu la 1re saison à cause d’un changement de direction malvenu. Cette personne étant partie depuis, on espère pouvoir revenir à l’antenne prochainement…

«Grand-père depuis six mois»

Avez-vous déjà pensé revenir en télé ?

J‘ai fait le tour du sujet, il n’est pas envisagé. J’ai eu une proposition en France pour animer une émission quotidienne, j’ai dit non. Ce n’est pas l’envie ni les idées ni l’énergie qui manqueraient, mais je suis à un moment donné dans ma vie où je dois choisir de ne plus consacrer tout mon temps au travail. Et ma femme me supplie de lever le pied ! Je l’écoute… Et puis nous sommes grands-parents depuis six mois. C’est passionnant et je ne veux pas passer à côté de ça !

Quels sont vos projets ?

Le 3e tome des aventures de Scott Leblanc (dont il est scénariste, ndlr) est prévu, mais pas avant un an. J’ai aussi reçu une demande de New York pour une grande expo, l’année prochaine, à laquelle je vais sans doute dire oui. Il est temps qu’on montre aux Américains ce qu’on sait faire ici !

Entretien : Julien BRUYÈRE

À lire
«Le Chat Erectus», Le Chat n° 17, Philippe Geluck, 10,50 € (Casterman)

À offrir
Le coffret contenant «Le Chat Erectus» + «Le Chat Sapiens» (l’album XVII bis totalement inédit) + le double DVD de la première saison de «La Minute du Chat», 34,95 € (Casterman).

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