Pierre Dumoulin : «L’Eurovision, c’est un monde parallèle !»

Pierre Dumoulin : «L’Eurovision, c’est un monde parallèle !»
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Le compositeur theutois repart à l’Eurovision avec l’ambition de faire tout aussi bien que le tube «City Lights» proposé en 2017, à Kiev.

Si le nom du candidat belge pour l’Eurovision avait fuité sur Télépro.be quelques heures avant l’annonce officielle de la RTBF, le compositeur du titre a été une véritable surprise. Une fois n’est pas coutume, la chaîne francophone repart (deux fois de suite) à l’Eurovision avec Pierre Dumoulin, deux ans après l’exploit de «City Lights», avec Blanche.

«C’est la voix qui m’attire chez les artistes», explique le leader de Roscoe  «Je ne recherche pas des techniciens. Je dois être touché par l’émotion, ressentir quelque chose.»

Comment s’est passé le contact avec Eliot ?

C’est plus ou moins le même scénario qu’avec Blanche. Je suis tombé sur son audition à «The Voice Belgique», j’ai senti un truc particulier… Je ne cherche jamais de voix à la technique parfaite de toute façon. Une émotion doit se dégager, il faut qu’il y ait un petit quelque chose qui me touche. Je ne sais pas l’expliquer avec des mots… Eliot a un timbre particulier, et une manière de poser sa voix qui m’intéresse. On s’est vus, et on a écrit deux morceaux ensemble.

Mais pas «Wake Up»…

Oui, je l’avais écrit avant. Assez vite, quand on s’est rencontrés, je lui ai dit que c’était une année «Eurovision RTBF», et je lui ai proposé de tenter le coup. J’avais envie d’y retourner. Il était emballé tout de suite. C’est ça qui est chouette avec la nouvelle génération. Les artistes de mon âge n’ont pas été bercés par l’Eurovision. Pour nous, il n’était pas vraiment concevable d’y aller ouvertement. Les plus jeunes ont compris que c’était un bon moyen de se faire connaître.

Vous ne l’auriez donc pas fait ?

Avec mon groupe, je ne pense pas…

Vous gardez une bonne expérience de l’édition 2017 ?

L’Eurovision, c’est un monde parallèle ! (rires) Je m’y suis vraiment éclaté, et je suis même retourné, l’an dernier, à Lisbonne, pour revivre un peu cette ambiance. Je voulais le vivre encore une fois, et j’ai eu la chance que le morceau «Wake Up» ait été sélectionné par le jury de la RTBF.

On ne vous a pas sollicité pour composer le titre ?

C’est ce que tout le monde pense, alors que c’est un jury qui a fait son choix parmi 25 démos. Je ne dis pas que le bon résultat de 2017 n’a pas joué. Je ne sais pas… Je n’ai pas eu de passe-droit.

Vous composez différemment pour l’Eurovision ?

Non, mais la seule chose que je dois faire au final, c’est respecter la durée de 3 minutes maximum. Il y a deux ans, je trouvais ça compliqué. Aujourd’hui, j’ai trouvé la recette pour y arriver, et ça me dérange moins. C’est le seul frein artistique. Si je devais me dire que je dois composer «pour l’Eurovision», ça n’aurait pas de sens. J’y vais toujours à l’instinct en faisant de la musique qui me parle et me correspond.

Comment est né «Wake Up» ?

Je compose toujours mes morceaux en «yaourt», avec des paroles qui ne veulent rien dire. Avec Eliot, on s’est mis autour de la table avec ses idées, et son souhait était de vouloir éveiller les consciences. Mais tout ça s’est passé avant les manifs pour le climat du jeudi. C’est amusant comme on a été rattrapés par l’actualité. Ce n’est pas fait exprès. Et pour l’Eurovision, faire passer un message, c’est une carte que l’on a à jouer aussi. C’est le message d’une génération qui a envie de se bouger.

Ça va transparaître à Tel Aviv ?

On y planche. L’envie de créer le même effet de masse que dans le clip est là, mais on ne peut être que 6 sur scène… Les écrans seront là, et on va peut-être les utiliser, d’autant que la scène sera gigantesque. Ce seront des acteurs de la performance, alors qu’il y a deux ans, on les a plutôt utilisés en «back up» puisqu’il devait y avoir des danseuses au départ, avec Blanche. Et que c’était mieux sans même si ça on ne va se cacher que ça faisait un peu vide, mais ça rentrait dans l’univers du titre. A contrario, Eliot a plus les épaules pour avoir des danseuses autour de lui, par exemple. Mais, je suis plutôt quelqu’un qui préfère la sobriété. À voir…

Au-delà de l’Eurovision, le succès de «City Lights» vous a surpris ?

C’était une complète surprise ! Je ne m’attendais pas du tout à ça. Dans la vie de ce morceau, ce qui est intéressant, c’est qu’après avoir bien marché en Belgique, on a eu la deuxième vague : le succès à l’international après l’Eurovision. Le clip a dépassé les 20 millions de vues sur Youtube. En streaming, nous en sommes à 40 millions… C’est énorme.

Du coup, Roscoe en bénéficie ?

Pas encore. J’aimerais pouvoir dire que ça m’a mis à l’aise financièrement, mais ce n’est pas encore le cas. À ce stade, je ne peux pas encore dire que le prochain album de Roscoe sera financé par l’Eurovision. Mais en terme de visibilité, c’est le jackpot, là oui.

D’autres pays vous ont contacté ?

Oui, il y a eu Chypre (les contacts avaient été pris déjà à Kiev, NDLR), mais rien ne s’est concrétisé. Je pense que c’est principalement parce que j’ai une griffe particulière, et je le dis moi-même : la RTBF est très courageuse de me faire confiance deux fois d’affilée comme ça. Mes titres ne sont pas très formatés, quand on compare à «Fuego», pour Chypre, l’an dernier. Chypre m’avait proposé de faire leur chanson pour l’édition 2018, et quand je vois ce qu’ils ont sorti, et leur morceau était très efficace, je ne sais pas faire des choses comme ça… Ils sont intéressés par mon profil, mais est-ce qu’ils oseraient aller jusqu’au bout ?

Vous avez cette patte musicale belge ?

J’ai ce côté OVNI qui est très belge. La France, par exemple, aime bien avoir des titres que l’on peut mettre dans des cases, alors que nous…

Il y a deux ans, vous disiez que «Blanche a des larmes dans la voix». Et Eliot ?

(Rires) Je n’ai pas encore trouvé la bonne formule, et je me laisse jusqu’au mois de mai pour l’avoir. C’est vrai que ça correspondait bien à Blanche, mais Eliot aussi, il y a quelque chose. Je vous promets de trouver la bonne métaphore.

Votre entourage pense quoi de cette passion pour l’Eurovision ?

J’ai eu des bons retours. J’ai des potes qui font du Noise-rock et qui écoutent «City Lights». J’ai peut-être eu un rôle de porte-drapeau de l’Eurovision dans le milieu «indé», et je n’ai pas perdu ma crédibilité à cause de ça. C’était important pour moi, et j’avais un peu peur à ce niveau-là.

Vous travaillez encore avec Blanche ?

Pour le moment non. On a bossé l’an dernier sur les deux singles qui sont sortis ces derniers mois. Les prochains qui vont sortir ne seront pas de moi.

Et Roscoe ?

On a une exclusivité live dans un festival, cette année, mais ce ne sera pas annoncé avant quelques jours, et un morceau qui va sortir avant l’album prévu pour la fin de l’année.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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