Baisers empoisonnés de Russie

Extrait de la série «L'Affaire Skripal : l'espion empoisonné» diffusée sur Arte © Arte/James Pardon 2019

Pour faire taire ses opposants, Moscou utilise des poisons. Jusqu’à lancer une attaque chimique sur le sol britannique… ce jeudi à 20h55, Arte lance une série intitulée «L’Affaire Skripal : l’espion empoisonné».

4 mars 2018, centre de Salisbury, sud de l’Angleterre. Un homme et sa fille sont pris d’un étrange malaise après avoir mangé une pizza. Ils vomissent, se tétanisent, puis s’effondrent sur un banc public. Sergueï et Ioulia Skripal ne sont pas victimes d’une simple intoxication alimentaire. Ils ont été empoisonnés sur ordre de Moscou ! Une affaire à (re)découvrir jeudi, sur Arte, dans une mini-série de la BBC.

Agent double

À 66 ans, Sergueï Skripal n’est pas un inconnu. C’est un ex-agent double. Alors qu’il était officier du GRU, le renseignement militaire russe, il travaillait aussi pour le MI6, le service de renseignement anglais. Son double jeu a été découvert par Moscou en 2004. Deux ans plus tard, Skripal est condamné pour haute trahison à 13 ans de colonie pénitentiaire. Mais en 2010, il fait partie du plus grand échange d’espions depuis la Guerre froide. Sur le tarmac de l’aéroport de Vienne, Skripal et trois autres hommes passés à l’Ouest sont échangés contre dix agents du Kremlin arrêtés aux États-Unis. Skripal s’installe alors en Angleterre, où il mène une vie en apparence tranquille.

Arme chimique

Les services médicaux britanniques sont stupéfaits devant ce qui est arrivé aux Skripal : ils ont été empoisonnés au Novitchok. Ce produit neurotoxique est une véritable arme chimique mise au point par les Soviétiques dans les années 1970 pour passer sous les radars de l’OTAN et résister aux antidotes traditionnels. «Il provoque un ralentissement du rythme cardiaque et l’obstruction des voies respiratoires jusqu’à la mort par asphyxie», explique le pharmacologue Gary Stephens à l’agence Reuters. Qui a empoisonné les Skripal ? Les caméras de surveillance repèrent deux Russes soupçonnés de faire partie du GRU : Alexander Petrov et Ruslan Boshirov. Boris Johnson, alors ministre britannique des Affaires étrangères, incrimine directement Poutine. «Il est extrêmement probable qu’il s’agisse de sa décision d’ordonner l’utilisation d’un agent neurotoxique dans les rues du Royaume-Uni, dans les rues de l’Europe, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.»

Menace générale

La Russie nie tout en bloc. Pour se dédouaner, Petrov et Boshirov accordent une interview surréaliste à une chaîne de télé proche du Kremlin : ils se seraient rendu de Moscou à Salisbury pour… visiter la cathédrale ! Personne n’y croit. S’ensuit un bras de fer diplomatique avec des expulsions de part et d’autre de l’ancien Rideau de fer. La Belgique y participe en expulsant un diplomate russe. Mais à Salisbury, l’urgence est ailleurs. Le poison est d’une telle dangerosité qu’il menace toute la population. La mini-série britannique suit les autorités dans leur contre-la-montre pour éviter d’autres victimes… Un vrai thriller !

Une longue liste…

En août dernier, le principal opposant à Poutine, Alexeï Navalny, était victime d’un malaise grave. Hospitalisé en Allemagne, on lui diagnostique un empoisonnement au Novitchok. En 2006, un autre adversaire du Kremlin, Alexandre Litvinenko, était victime d’un empoisonnement fatal. Réfugié à Londres, il avait pris le thé avec deux Russes. Le sien contenait du polonium 210, une substance radioactive. En 2004, Anna Politkovskaïa, journaliste russe d’investigation, était abattue de quatre balles dans son escalier. Deux ans plus tôt, elle avait subi une tentative d’intoxication. En 2004, le candidat de l’opposition ukrainienne, Viktor Iouchtchenko, était infecté par de la dioxine en pleine campagne électorale. Son visage en porte encore les séquelles…  

Cet article est paru dans le Télépro du 3/6/2021

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