Disparaître volontairement : comment la police belge aborde-t-elle ces affaires ?

En Belgique, les disparitions inquiétantes concernent entre 1.200 et 1.300 personnes par an © Isopix/Batard Patrick/Abacapress
Alice Kriescher Journaliste

Tout plaquer pour changer de vie est un fantasme pour certains, comme le montre TF1 dimanche à 13h40 dans «Reportages découverte». Quelques-uns passent parfois à l’acte, sans en avertir leurs proches.

Certaines personnes décident parfois réellement de disparaître du jour au lendemain. Mais dans l’ère numérique qui est la nôtre, est-il seulement possible de s’effacer volontairement ? Et a-t-on le droit de le faire ?

Nous avons posé ces questions au commissaire David Rimaux, de la cellule personnes disparues de la Police fédérale.

Les disparitions sont-elles fréquentes en Belgique ?

Les statistiques annuelles sont relativement stables chez nous et tournent autour des 14.000 disparitions. Mais il faut faire la différence entre ce chiffre et les disparitions qui font l’objet d’une intervention particulière de notre part, qui représentent 1.200 à 1.300 dossiers. Parmi ces derniers, 95 % des personnes sont retrouvées, dont environ 80 % vivantes.

Comment effectuez-vous ce «tri» ?

Sur base de critères définis dans un texte légal et qui déterminent si la disparition doit être considérée comme inquiétante. L’un d’eux est l’âge. On considère qu’il faut s’inquiéter lorsqu’un mineur de moins de 13 ans disparaît. Ensuite, l’état de santé du disparu. A-t-il besoin de médicaments ou de soins médicaux vitaux ? A-t-il un handicap mental ou physique susceptible d’entraîner des problèmes d’autonomie ? A-t-il des tendances suicidaires ? Il y a aussi ceux qui disparaissent alors qu’on sait qu’ils étaient sous l’influence de la boisson ou de stupéfiants et le tout, aux abords d’endroits dangereux, comme à proximité de l’eau. Ou les personnes disparues alors que les conditions météos sont extrêmes. Évidemment, il y a les disparitions dont on suspecte une origine criminelle. Enfin, le dernier critère concerne les cas complètements anormaux, avec un comportement qui n’entre pas dans les habitudes de la personne, c’est-à-dire toutes les «premières fois».

Comment savoir si une personne disparaît de son plein gré ?

Nous n’avons pas de boule de cristal. C’est l’enquête qui permet de répondre à cette question. Sans surprise, de nos jours, on peut vite le savoir grâce aux smartphones, à Internet, aux cartes bancaires, aux témoins et au réseau de caméras de surveillance qui s’est considérablement développé ces dernières années. De plus, les attentats de Bruxelles ont modifié la traçabilité des passagers, il n’est plus possible de prendre l’avion sans être «traçable». Lorsque l’on comprend qu’une personne majeure a disparu volontairement pour refaire sa vie, il n’y a plus d’intérêt, d’un point de vue policier, à la chercher.

A-t-on le droit de vouloir disparaître ?

Il est nécessaire de distinguer le pénal du civil. Au pénal, vous ne risquez rien. Par contre, si vous avez une famille, des enfants, que vous êtes marié, vous ne pouvez pas tout plaquer comme ça et laisser l’autre avec, par exemple, un prêt hypothécaire sur le dos. Civilement, vous êtes responsable lorsque vous abandonnez votre conjoint et vos enfants, sans moyen de survivre.

Êtes-vous tenu d’informer les proches ?

Si on retrouve quelqu’un qui ne souhaite pas communiquer son lieu de résidence, nous ne pouvons pas le dire aux proches. Par contre, nous nous devons de rassurer les familles en leur disant que la personne disparue se porte bien.

Ces cas sont-ils fréquents ?

Honnêtement, c’est très rare. Si nous avons cinq affaires de ce type par an, c’est beaucoup. La dernière affaire marquante était celle de Ralf Bouffioux, un jeune homme de 27 ans à l’époque qui avait choisi de disparaître. On s’est très fort inquiété pour lui car on avait retrouvé sa voiture brûlée dans un bois. Il avait en réalité scénarisé sa disparition pour vivre à la manière du film «Into the Wild» et s’est fait ainsi passé pour mort durant un an, avant de rentrer chez lui.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 25/02/2021

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici