Homo aux USA  : un «mal à soigner»

Les thérapies "de conversion" peuvent avoir des conséquences désastreuses © France 5

Aux États-Unis, des groupes religieux promettent de «guérir» l’homosexualité, brisant au passage les participants à ces absurdes «thérapies de conversion», obligés de rejeter leur nature profonde.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, assumer son homosexualité quand on est Américain ne va pas forcément de soi. Des centaines de milliers d’entre eux, par pression sociale, familiale ou religieuse, s’engagent dans des soins «de conversion» dangereux voire dévastateurs, thèmes de la soirée de mardi sur France 5.

Électrochocs et lobotomie

L’appellation «thérapie de conversion» (ou «de réorientation sexuelle»), commence à être utilisée aux États-Unis à la fin des années 1950. L’idée alors répandue est que l’homosexualité est une maladie psychiatrique pouvant, et même devant, être soignée. La manière forte est employée : techniques aversives associant une décharge électrique à une image homosexuelle, électrochocs, lobotomies ou castrations chimiques… En 1973, l’homosexualité est enfin retirée par l’Association américaine de psychiatrie de la liste des maladies mentales. Les mouvements religieux prennent le relais…

La foi, remède miracle

Avec toujours l’objectif assumé de «guérir» les participants à leurs séances, plusieurs organisations voient le jour. Parmi les plus connues : Exodus International, association chrétienne évangélique créée en 1976, Desert Stream Living Waters, structure évangélique, et Courage, groupe catholique, tous deux fondés en 1980. Si leurs méthodes semblent moins violentes, elles n’en sont pas moins dévastatrices en misant sur l’emprise religieuse et psychologique.

Selon ces groupes, l’homosexualité n’est pas naturelle mais résulte d’un problème de développement durant l’enfance. La «déviance» pourrait donc être guérie en devenant un membre actif de l’église. Car la menace est sans équivoque : l’homosexualité conduit en enfer. Les exorcismes, la prière, la confession et la foi en Jésus sont les remèdes miracles…

Conséquences dramatiques

Selon une étude de l’Université de Los Angeles, 700.000 LGBT+ auraient participé à ces thérapies aux USA en quarante ans. Avec des conséquences parfois désastreuses. Les témoignages de rescapés sont nombreux et effrayants. «Je me suis senti fautif et j’ai pensé ne pas devoir exister tel que j’étais, (…) que ce serait mieux si je ne vivais plus», confie l’un d’eux dans le documentaire d’Arte «Homothérapies, conversion forcée». «J’ai connu des années de dépression, un sentiment de dépréciation, l’impression d’être sans but dans la vie, une tonne d’anxiété et des problèmes de santé mentale», témoigne un autre.

Alan Chambers, ancien président d’Exodus, a démissionné en 2013. Depuis, il présente ses excuses à travers les États-Unis : «Nous avons engendré la honte et la peur. Et perpétué le mythe que Dieu serait plus heureux si nous abandonnions ces sentiments ou désirs homosexuels, si nous abandonnions une part de nous-mêmes. Je le regrette profondément».

Pratiques illégales

Depuis 1992, l’homosexualité n’est plus considérée comme une maladie mentale par l’Organisation Mondiale de la Santé. Ce qui n’empêche pas les groupes religieux de se multiplier et de s’exporter dans le reste du monde. En France, les journalistes Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre ont mené l’enquête pendant deux ans. Le premier s’est infiltré dans les sessions de l’association catholique «Courage» et évangélique «Torrents de vie». Sous des allures de camps de vacances religieux ou de groupes de paroles, leur objectif est le même : convertir pour guérir. Une députée française a déposé, en juin de cette année, une proposition de loi visant à rendre ces pratiques illégales. Si certains pays ont encore un long chemin à parcourir (Chine, Malaisie et Indonésie pratiquent encore les électrochocs), d’autres les ont interdites, comme Malte, l’Allemagne, certaines provinces du Canada, des régions autonomes d’Espagne… Et une vingtaine d’États américains ont interdit les thérapies adressées au moins de 18 ans. 

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 3/9/2020

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