Horreur au Yémen : l’enfance meurt en silence

100.000 enfants de moins de 5 ans risquent de mourir de faim si le conflit ne s’arrête pas maintenant © RTBF

Depuis 2014, un conflit déchire le pays et décime son peuple, loin des caméras et des micros occidentaux. Une génération est sacrifiée dans un État qui n’existe presque plus ! Ce lundi à 21h05, La Trois diffuse le documentaire «Crimes de guerre au Yémen».

Ne cherchez pas. La guerre au Yémen ne fait pas la une de l’info, ni en télé ni en radio. Dans la presse écrite, elle ne fait pas les gros titres. Elle n’alimente pas davantage les forums des réseaux sociaux. Même le décompte des victimes n’émeut grand monde…

100.000 morts

Des chiffres pourtant impressionnants : au moins 100.000 morts dans les combats et les bombardements (deux fois plus selon certaines sources), près de 10 millions de personnes menacées par la famine, 24 millions d’habitants (sur une population estimée à 28,5 millions) tributaires de l’aide alimentaire. À 7.000 km de chez nous, ce pays grand comme vingt fois la Belgique a «pratiquement cessé d’exister en tant qu’État», selon un rapport de l’ONU. Lentement, sûrement, en silence…

Printemps arabe

Retour aux origines du conflit. En 2011, la vague du printemps arabe submerge la région. Le Yémen n’y échappe pas. Le président Ali Saleh est contraint de quitter son poste, il est remplacé par le n° 2 : Abdrabbo Mansour Hadi. Le changement à la tête du pays n’empêche pas le climat de se détériorer.

L’embrasement

En septembre 2014, l’organisation armée Ansar Allah, dont les miliciens sont souvent désignés par l’expression «rebelles houtistes», s’empare de la capitale Sanaa. Les houtistes sont chiites, proches de l’Iran. Pour l’Arabie saoudite, sunnite, il est inimaginable d’avoir pour voisin «un bras armé de Téhéran», comme l’écrit Le Monde. L’Arabie réagit et passe à l’attaque. À la tête d’une coalition de pays (dans laquelle on retrouve notamment le Maroc, l’Égypte et le Pakistan), soutenue notamment par les États-Unis, Ryad lance l’opération «Tempête décisive».

La guerre s’enlise

Celle-ci n’a de «décisive» que le nom ! Cinq ans plus tard, les combats se poursuivent. Le conflit se complexifie. La branche yéménite des terroristes d’Al-Qaïda (liée à l’attaque contre Charlie Hebdo) monte elle aussi au front. Quant aux sécessionnistes du Sud-Yémen (anti-houtistes), ils proclament l’autonomie de leur région au printemps dernier. La guerre s’enlise : chacun campe sur ses positions, des membres de la coalition, comme les Émirats arabes unis, retirent leurs pions, l’Arabie annonce un cessez-le-feu…

La France en guerre

À des milliers de kilomètres des conflits, une polémique enfle. Elle concerne des livraisons d’armes à l’Arabie saoudite. Par la France notamment. Dans un rapport qu’ils publient le 18 novembre dernier, deux députés français dénoncent. IIs reprennent notamment des chiffres de la Direction du renseignement militaire : 48 canons français sont déployés le long de la frontière saoudo-yéménite et «ils appuient les troupes loyalistes, épaulées par les forces armées saoudiennes, dans leur progression en territoire yéménite ». Pas question donc d’actions uniquement défensives, comme l’affirmait jusque-là le gouvernement. Les armes françaises attaquent… et tuent.

Armes belges aussi

La Belgique n’est pas en reste. Selon le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité : «Dans la guerre au Yémen, on a découvert des armes belges qui, au départ, ont été exportées à destination vraisemblablement des Émirats arabes unis et qui se sont retrouvées aux mains d’un groupe armé, les Brigades des géants (…) aux pratiques plus que douteuses en termes du droit de la guerre.»

Génération sacrifiée

Une guerre qui ne tue pas que sur le champ de bataille. Blocus des ports, épidémies, pénurie de médicaments et d’aliments, le covid-19 qui se répand… Selon les Nations unies, plus de 100.000 enfants de moins de 5 ans risquent de mourir de faim si le conflit ne s’arrête pas maintenant. La conclusion est dramatique : «Nous approchons d’une situation irréversible et risquons de perdre toute une génération de jeunes enfants du Yémen.»

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 3/12/2020

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