Mauthausen, l’horreur sur pellicule

Le 5 mai 1945, Mauthausen est le dernier camp de concentration à être libéré par l'armée américaine © RTBF/CPB

Dans ce camp de concentration, quelques détenus sont parvenus à subtiliser et exfiltrer des milliers de clichés rendant compte des atrocités commises par les nazis.

En 1946, les principaux dignitaires nazis comparaissent à Nuremberg, devant le Tribunal militaire international. Parmi eux, Albert Speer, ministre d’Hitler, et Ernst Kaltenbrunner, général SS, prétendent ne jamais avoir visité le moindre camp de concentration. Or, un témoin affirme le contraire ! Francisco Boix, un ancien détenu espagnol, peut même le prouver grâce à des photographies, dont les Allemands avaient pourtant ordonné la destruction à la fin de la guerre… Une histoire à découvrir dans «Retour aux sources» (samedi 21.05, La Trois).

Moins connu qu’Auschwitz, Buchenwald ou Dachau, le camp de concentration de Mauthausen, en Autriche, était parmi les plus durs du IIIe Reich. Il détenait les ennemis politiques du nazisme qui, quand ils n’étaient pas assassinés, se tuaient à la tâche dans l’énorme carrière de granit toute proche.

Photographe espagnol

C’est dans ce camp, au bord du Danube, que Francisco Boix est déporté, en janvier 1941, avec des centaines de compatriotes. Âgé de 20 ans, ce communiste a développé ses talents de photographe durant la guerre civile contre Franco. Les compétences du jeune détenu intéressent les SS qui l’intègrent au service d’identification photographique, chargé de documenter la vie du camp. Sous la supervision d’un SS, Boix y développe les photographies et classe les négatifs. Dans le laboratoire, il voit passer les reportages des visites officielles, les clichés de la vie quotidienne du camp et les photos des déportés assassinés.

Face à ces preuves des crimes nazis fixés sur pellicule, il n’a qu’une idée en tête : les sauver pour un jour livrer un témoignage au monde… Or, un événement inattendu va permettre à Boix et d’autres détenus de mettre en place un embryon de résistance. Lors d’une opération de désinfection, les milliers de prisonniers, entièrement nus, sont installés dans la cour durant des heures. Trop nombreux pour être surveillés de près par les SS, ils peuvent alors nouer des contacts et organiser des actions collectives. «C’était sans doute la première fois de l’Histoire que se tenait une réunion politique où les gars étaient tous à poil !», se souvient le communiste espagnol Mariano Constante.

Sauvés des flammes

Ainsi, Boix et ses comparses se mettent à subtiliser des milliers de négatifs, à l’insu des SS. Par petits paquets, ceux-ci sont cousus à l’intérieur de leur uniforme, ou cachés dans l’atelier de menuiserie. L’opération clandestine se poursuit durant deux ans, au gré des occasions qui se présentent. En 1944, lorsque le vent tourne pour la Wehrmacht, les nazis ordonnent la destruction de toutes les preuves embarrassantes. Les résistants espagnols savent que leur butin est en danger.

Par l’intermédiaire de jeunes détenus espagnols sortant du camp pour travailler, les négatifs sont cachés dans le jardin d’une villageoise, opposante au régime. Ils y restent jusqu’à ce que le photographe espagnol les récupère, après la libération du camp par les troupes américaines. En juillet 1945, cette collection, unique au monde par la quantité de photos et leur nature, fait l’objet d’une publication dans un journal communiste français. Comme l’avait espéré le «photographe de Mauthausen», le monde découvre alors l’horreur des camps de concentration…

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 08/04/2021

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