Moche et fier de l’être !

Pour Daniele Poldo Isabettini, l’élection de «l’homme le plus laid d’Italie» est un sujet sérieux, qui lui permet de défendre son amour-propre © Arte

Être laid n’est pas forcément un problème pour tout le monde. La preuve dans ce reportage que diffuse Arte mardi. Direction l’Italie.

C’est dans le village de Piobbico, situé à un jet de pierre du célèbre massif Monte Nerone, en plein centre de l’Italie, qu’est organisé chaque premier dimanche du mois de septembre le «Club dei brutti» ou, si vous préférez, «Le Club des moches». «La première édition date de 1879», nous explique Paolo, un jeune trentenaire, joint par nos soins. «Je vis à Fratta, une ville voisine de l’événement. Ce club a pour but de marier les célibataires les plus moches de la région sur la place principale du village.» Au fil des décennies, les responsables ont réussi à bannir une bonne fois pour toutes le culte de la beauté. «Qu’on le veuille ou non, surtout aujourd’hui avec la présence des réseaux sociaux et de ses influenceurs, une belle personne est avantagée par rapport à une laide», explique Paolo. «Ce festival, reconnu dans le monde entier, montre que l’amour peut aussi toucher ceux qui ne sont pas beaux. À chaque édition, c’est le succès garanti. Les participants sont authentiques et jugés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils paraissent être.» Le logo du club représente un homme allongé fumant la pipe avec le slogan : «La laideur est une vertu, la beauté est une servitude.»

Plus de 32.000 membres !

Pour participer au concours, il faut d’abord payer une cotisation de 20 € pour adhérer au «Club des moches». Un jury évalue ensuite la laideur du candidat. «Ce n’est pas une blague», poursuit Paolo. «Le président du club prend une décision sur la participa tion ou non de la personne.» «Notre organisation n’est pas à prendre trop au sérieux», explique de son côté Gianni Aluigi, vice-président, sur France Info. «Le simple fait que le club existe et que son nombre d’adhérents (plus de 32.000, ndlr) augmente sans cesse montre que l’on combat, à notre façon, les préjugés. Quand je dis «préjugés», ce ne sont pas seulement ceux liés à l’apparence, mais à l’homosexualité ou l’immigration.» Depuis l’arrivée des réseaux sociaux, le club peut compter sur la présence supplémentaire de 4.000 fans sur Facebook et 780 sur Instagram. «Il s’agit pour nous d’une belle reconnaissance», ajoute Paolo. «De plus, grâce aux journalistes étrangers qui viennent chaque année, le festival s’est développé en une association internationale avec pas moins de vingt-cinq agences disséminées dans le monde.»

Une ambiance joyeuse et détendue

Chaque année, des milliers de curieux ne rateraient l’événement sous aucun prétexte. «Après la parade où les candidats défilent, tous attendent l’élection de l’homme le plus laid», raconte Paolo. Dans le documentaire d’Arte, Daniele Poldo Isabettini, un homme grièvement blessé dans un accident et toujours marqué sur le plan physique et psychique, raconte pourquoi cette élection a été décisive pour lui. De l’avis général des responsables de l’association, l’élection de l’homme le plus laid a pour but de casser les codes et surtout, d’offrir du bonheur aux participants : «Le vote a lieu, et je tiens à le préciser, dans une ambiance joyeuse et détendue», révèle le vice-président, qui ajoute : «Il faut reconnaître que certains d’entre nous n’ont pas été gâtés par la nature, mais est-ce si important ? Ne dit-on pas que l’on trouve toujours chaussure à son pied ?» Après tout, comme le disait si bien Thierry Lhermitte dans «Le Père Noël est une ordure» : «Thérèse n’est pas moche, elle n’a pas un physique facile, nuance !»

Cet article est paru dans le Télépro du 13/04/2023.

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