Turquie : Erdogan, la main et le gant de fer

Il y a vingt ans, il fondait le parti islamo-conservateur AKP © Isopix

À la tête de la Turquie depuis dix-huit ans, le très populaire Recep Tayyip Erdogan ne vacille nullement de son piédestal présidentiel, malgré les polémiques. Ce mardi à 20h50, France 5 brosse le portrait d’un homme ambitieux dans le documentaire «Erdogan : le sultan qui défie l’Europe».

32,5 %. C’est le pourcentage estimé de l’adhésion des Turcs à l’AKP (Parti de la justice et du développement) en 2020, alors qu’il dépassait les 53 % deux ans plus tôt. Créé en 2001 par Erdogan, le parti islamo-conservateur s’était hissé au sommet du pouvoir dès l’année suivante, engendrant la montée en puissance du chef d’État actuel.

Mais aujourd’hui, le parti semble souffrir. Pour la première fois depuis 2002, il a perdu la majorité absolue aux élections législatives de juin 2015. Raison pour laquelle son président-fondateur avait organisé de nouvelles élections en novembre de la même année, et durant lesquelles son parti avait repris les rênes du gouvernement. Mais cette méthode a-t-elle servi sa carrière politique ?

Instabilité politique

Recep Tayyip Erdogan commence à se faire un nom à la fin du XXe siècle. D’abord en tant que maire d’Istanbul en 1994, ensuite en fondant l’AKP en 2001. Il se proclame président du parti la même année et devient Premier ministre entre 2003 et 2014.

À la fin de ses mandats successifs, toujours en 2014, Erdogan accède au rang plus prestigieux de président de la République de Turquie. Il réitère sa victoire en 2018 et confirme son statut d’homme fort du pays, avec 22 % de suffrages d’avance sur le second candidat.

Mais Erdogan n’a pas que des partisans. En juillet 2016, il est victime d’une tentative de coup d’État qui se soldera par 290 morts. Dans la foulée, une vaste campagne d’arrestations et de licenciements vise les Forces armées et autres forces de l’ordre turques. Erdogan s’attaque aux institutions fondamentales du pays, comme l’enseignement et la culture, avant de s’en prendre aux journalistes et aux médias. Seize chaînes de télévision sont mises à l’arrêt.

Erdogan déroge aux règles de la Convention européenne des droits de l’homme, mais se décharge de toute responsabilité en invoquant une légitime défense contre «des groupements sociaux dangereux».

Régime autoritaire

Avant sa réélection de 2018, Erdogan réforme la Constitution qui le rend plus «président» que président. Il supprime le poste de Premier ministre et s’accorde la responsabilité exclusive d’«exécuter les lois» émises par la Grande Assemblée nationale (l’équivalent du Parlement fédéral en Belgique). Il s’approprie en outre le droit de regard sur certaines décisions judiciaires, réduisant davantage encore les libertés démocratiques du pays.

Depuis, l’économie a drastiquement chuté et le taux de chômage fluctue autour des 15 % (à titre de comparaison, le chômage en Belgique atteignait 5,4 % en 2019.). La crise du covid-19 ayant elle aussi durement frappé la population turque, le Président se voit politiquement fragilisé pour le prochain scrutin prévu en 2023, à moins que d’ici-là, d’autres dérives autoritaires ne viennent encore mettre un frein au régime «prétendument» démocratique en vigueur…

Cet article est paru dans le Télépro du 18/3/2021

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