Cathy Immelen : «J’avais envoyé ma photo aux frères Dardenne pour jouer « Rosetta »»

Cathy Immelen reste zen, même pendant le confinement © DR
Pierre Bertinchamps Journaliste

La critique cinéma de la RTBF a un petit rôle dans «Losers Revolution», le film de Thomas Ancora.

Une fois n’est pas coutume, Cathy Immelen passe de l’autre côté du miroir et joue un petit rôle dans un film. Avec Elodie de Sélys, elle se met dans peau d’une animatrice pour le long métrage de Thomas Ancora, «Losers Revolution».

Comment vous êtes-vous retrouvée dans cette aventure ?

Je suis amie avec Thomas Ancora, depuis plus de 10 ans. J’étais donc au courant depuis le départ de son projet de faire un film. Il m’avait montré plusieurs versions du scénario au fil des années.

À un moment donné dans l’histoire, Thomas avait besoin d’une scène qui est une émission de télé, et il nous a demandé à Elodie de Sélys et moi de jouer ces rôles-là. Je pense qu’il a dû avoir souvenir de l’époque de «Flash», que nous présentions sur La Une. Nous n’avons tourné que quelques plans, c’est vraiment très rapide. Deux petites apparitions.

Ça s’est fait où ?

Dans le Studio Média de la RTBF (là où on réalise «Le 6-8», NDLR) puisque le décor de «Flash» n’existe plus. Ce qui était plus facile pour nous de faire semblant que c’était une vraie émission de télé, et on pouvait incruster des images liées au film en arrière-plan dans les écrans.

C’était plus facile à jouer ?

On a fait de l’improvisation totale ! Mais honnêtement, c’est plus compliqué parce qu’on se dit que c’est pour la «postérité», et on sait que ça va rester et que ce sera disponible en DVD. La télévision, c’est l’instantané, et quand c’est passé, c’est passé… Dans l’absolu, ce n’était pas un rôle de composition non plus. Ça nous a fait plaisir à Elodie et moi, ça nous a rappelé la bonne époque de «Flash».

Ce n’est pas une première, il y a déjà eu «Plus belle la vie»…

Là, c’est juste de la figuration, où on me voit juste passer dans le décor. Mais j’ai joué avec Jean Dujardin dans «La French» (2014). De nouveau, ce n’était pas un rôle de composition parce que je devais faire la présentatrice du journal. Comme ça se passe dans les années 80, je devais rejouer un JT de l’époque, on m’avait vendu ça comme prendre le rôle de Christine Ockrent. C’était une coproduction belge, et cette partie-là était tournée chez nous. J’ai passé un casting mais il faut savoir que le ton de présentateur télé n’est pas un ton naturel, et les comédiens ont du mal à trouver cette musicalité propre au petit écran. La chose amusante, c’est que la production française ne me connaissait pas mais elle pensait que j’étais une superstar en Belgique. J’avais une caravane personnelle avec un assistant. C’était drôle de vivre ça de l’autre côté, je me suis rendue compte la pression qu’il peut y avoir sur les acteurs quand il y a 50 personnes devant soi. Il faut être bon tout de suite… Dès ce moment-là, j’ai arrêté d’être très cassante dans mes critiques. Même si le film est loupé, il y a des années de travail derrière, ça ne mérite pas d’être gratuitement cassé.

Ça a changé votre façon de critiquer les films ?

Non, mais je suis plus indulgente quand je sens qu’il y a de la bonne volonté et qu’il y a des idées. Par contre, les films qui ont été fait juste pour remplir les caisses et pour des mauvaises raisons, là je n’hésite pas. Ce qui m’a surpris aussi, c’est la façon dont les acteurs peuvent être en dehors de la réalité. Ils sont tellement chouchoutés et babysittés que ça doit être difficile de garder les pieds sur terre.

Vous voulez encore en faire ?

C’était mon rêve d’enfant. J’avais envoyé ma photo aux frères Dardenne pour jouer «Rosetta», quand j’avais 16 ans… Mais je sais que je ne joue pas bien. La télévision m’a modelée et m’a appris de mauvais réflexes. On doit appuyer les gestes, le ton, les paroles alors que le cinéma c’est le contraire, c’est le naturel qui l’emporte. Et puis apprendre un texte tout seul dans un coin, je ne saurais pas…

Ce n’est pas anti-déontologique de critiquer un film dans lequel on a joué ?

Je me suis refusée de critiquer le film. J’en ai parlé mais de manière totalement informative en expliquant que Thomas était un ami et que je connaissais le projet depuis longtemps. J’ai expliqué le pitch avec les points forts et les points faibles mais sans y mettre de l’affect.

Une journaliste ciné qui est confinée, c’est compliqué à vivre ?

Oui, parce qu’en matière de cinéma, je suis au chômage technique, et derrière ça, il y a toute une incertitude. Est-ce que les cinémas vont rouvrir rapidement ? Qu’est-ce qui sera en salle ? Les deux ou trois premières semaines, j’avais de la matière avec des interviews de cinéastes ou d’acteurs, et j’expliquais aux gens ce qui passe, ce qu’est la VOD,… J’ai fait des top 5 thématiques et je trouve qu’on tourne vite en rond. Là, je me creuse les méninges pour trouver des sujets. Pour «Les Pigeons», je fais les bons plans Auvio. Je ne le prends pas pour de l’autopromo parce j’essaie de dénicher des perles qui passeraient inaperçues. Ça me permet de parler d’autres choses, un peu comme les journalistes télé… Je ne sais vraiment pas de quoi je vais parler dans les semaines et les mois qui viennent avec toutes ces annulations. Sinon, je fais du yoga, j’essaye de faire des directs avec mon chat et je traîne en chaussettes. (rires)

Vous n’en avez pas profité pour voir les films qui vous ont échappés ?

Non, c’est plutôt les séries que je récupère. J’aime énormément la télé aussi, ce n’est pas un secret. Et avec cette actualité très anxiogène, au début du confinement, j’ai regardé beaucoup de comédies débiles, très potaches et déjà revues comme «American Pie», etc… Pour oublier un peu la télé, j’ai retrouvé le plaisir d’écouter la radio et les podcasts. Ça me fait réfléchir à peut-être en faire un…

C’est une bonne idée de mettre les films belges sur les plateformes digitales des opérateurs ?

Oui, c’est génial ! Justement, pour «Losers Revolution», ça faisait 8 ans que Thomas était dessus, et deux jours après la sortie en salle, on ferme tous les cinémas ! C’est une catastrophe.

Vous ne craignez pas qu’on relègue le cinéma d’auteur directement sur la SVOD ?

Non, parce qu’il y aura toujours des salles qui programmeront des films belges. Ce n’est pas incompatible. Certains blockbusters arrivent très vite en streaming illégal, et ça n’empêche pas le succès en salle. Ceux qui veulent voir les films en salle iront toujours au cinéma et des cinémas comme Les Grignoux (Liège), Quai 10 (Charleroi), Le Palace ou L’Aventure (Bruxelles) leur laisse une belle place. Si la SVOD peut amener un nouveau public, je pense que tout peut vivre en même temps. La télé devait tuer la radio, puis l’internet allait tuer la télé, et ça n’a jamais été le cas. Pour le cinéma ce sera pareil.

«Losers Revolution», à voir exclusivement dans son salon sur les plateformes de SVOD de VOO, Proximus Pickx, dalton.be, lumierefilms.be et universcine.be au prix unique de 7,99€.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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