Charlotte Rampling : «Mes personnages ne sont jamais très éloignés de ma personnalité»

L’actrice campe pour la première fois une enquêtrice en plus de cinquante ans de carrière © Arte

À 74 ans, elle est la star de «Kidnapping», une série à suspense addictive qui porte un regard sans concession sur les trafics d’enfants en Europe. À voir ce jeudi à 20h55 sur Arte.

L’ex-icône du «Swinging London» continue de varier ses registres et les choisit avec goût. Dans la série «Kidnapping», Miss Rampling campe pour la première fois une inspectrice. Avec son éternel regard azur, elle insuffle une classe énigmatique à son personnage.

Meneuse d’enquête : vous voici confrontée à un nouvel univers…

Oui, je n’avais jamais interprété une enquêtrice ni joué dans une série scandinave. Si j’accepte un rôle, c’est pour me lancer dans une aventure qui me correspond et trouver un univers dans lequel je peux jouer avec le personnage. Je n’ai jamais voulu incarner des rôles très éloignés de ma personnalité.

Des femmes atypiques ?

Il y a un peu de cela, oui. Mon personnage, Claire, est une franco-anglaise dévouée corps et âme à son métier mais à sa façon : avec la volonté de ne pas être écrasée par ce milieu difficile. Et de tenir tête aux autres ! Elle teste ses coéquipiers. Ça lui permet d’imposer son autorité sans forcer, parfois même avec humour.

La qualité des séries scandinaves n’est plus à prouver. Qu’avez-vous pensé de ce scénario ?

Il est bouleversant. Un inspecteur danois (l’acteur Anders W. Berthelsen) enquête sur l’enlèvement d’une fillette au moment où sa propre fille disparaît. Il y a ce double et terrible enjeu, au sein d’un métier où l’émotion est proscrite. Ce récit de trafic de bébés plonge dans un monde complexe et sensible : les uns ne peuvent pas avoir d’enfant, d’autres les perdent et il y a ceux prêts à faire n’importe quoi pour en avoir.

On trouve beaucoup de suspenses dans votre filmographie. Qu’appréciez-vous dans ce genre ?

Dans un thriller, règne toujours une peur trouble. Le spectateur redoute ce qu’il va se passer. Les films noirs sont sans doute mes préférés. Ceux tournés en Europe me semblent les meilleurs. Voilà pourquoi j’aime travailler en Angleterre et en France. Dans les fictions sombres américaines, on devine trop souvent et trop vite l’épilogue !

Vous interprétez souvent aussi les femmes insaisissables. Claire est de celles-ci. Cherchez-vous ces rôles ?

Toutes ces femmes restent en moi, on s’est nourries mutuellement. Aucune d’elles n’a été une personnalité facile à construire. C’est sans doute pour cette complexité que je les ai choisies.

Vos collaborations sont variées, entre cinéastes débutants et maîtres du 7e art dont vous être parfois l’égérie. Cela crée-t-il des amitiés ?

Je pense former une sorte de grande famille avec ceux et celles que j’ai croisés. Certains sont devenus des amis, mais je ne vous dirai pas qui ! À part François Ozon qui fait partie de mes proches. On a fait quatre films ensemble. J’adore son énergie, la précision, le soin dans la préparation. Il aime habiller et coiffer ses actrices, un peu comme avec des poupées. Pour les mettre en valeur, sans les manipuler !

Votre fils aîné, Barnaby (48 ans, qu’elle a eu avec l’acteur Bryan Southcombe), est réalisateur. Parlez-vous du métier en famille ?

Quelques fois. Mais une chose prime : j’ai toujours conseillé à mes enfants (ndlr : elle a un autre fils, David, 43 ans, avec Jean-Michel Jarre) de donner leur avis, que cela plaise ou non à l’un d’entre nous. Voilà pourquoi le courant passe si bien entre nous. Nous avons une relation fusionnelle «libre» : on a réussi à couper le cordon en restant proches !

Entretien : Raphaël Badache et Carol Thill

Cette interview est parue dans le magazine Télépro du 24/9/2020

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