Elodie de Sélys : «La Bataille de Waterloo, ce n’était pas une fête !» (interview)

Elodie de Sélys : «La Bataille de Waterloo, ce n’était pas une fête !» (interview)
Pierre Bertinchamps Journaliste

Fin de saison très chargée pour la spécialiste de l’Histoire de la RTBF. La journaliste sera sur le pont jeudi et vendredi pour les commémorations du bicentenaire de la Bataille de Waterloo.

Deux commémorations en direct, un long marathon pour Elodie de Sélys ! Ce jeudi 18 juin à 10h55 sur La Une, elle commentera la cérémonie protocolaire du bicentenaire de Waterloo. Et vendredi 19 juin à 20h25, place une reconstitution en direct, un Stratégo géant avec 5.000 figurants, 300 chevaux et 100 canons !

«D’habitude, les fins de saison sont plus calmes !», précise la jolie brune.

Vous planchez les dossiers depuis longtemps ?

J’avais d’autres émissions à faire, donc je n’ai pas pu être aussi studieuse que je l’aurais voulu. Depuis quelques jours, j’ai le nez dans l’histoire de la Bataille de Waterloo à 100%. J’ai l’impression d’être en blocus.

Vous avez découvert des choses sur ce moment de notre Histoire ?

Je ne suis pas historienne, je suis journaliste. Mon rôle, et c’est le même pour «Retour aux sources», est de remettre les choses dans un contexte plus contemporain, «vulgariser» les choses, même si c’est un terme que je n’aime pas trop. J’avais une idée très schématique et très imprécise de ce qui s’est passé en 1815. Pour le coup, j’ai appris une foultitude de choses, et c’est ça qui rend l’exercice encore plus intéressant.

Le côté paradoxal, c’est que Napoléon est le grand perdant dans ce conflit, mais c’est lui que l’on retient le plus…

C’est dingue je trouve ! On voit Napoléon partout. Même pour notre logo sur la RTBF, c’est lui qui est mis en valeur. C’est aussi la star des magazines, en ce moment. C’est le premier nom qui vient à la bouche des gens quand on leur parle de Waterloo. J’ai entendu une phrase qui résume bien la situation : «Wellington a perdu la bataille du marketing». Waterloo est associé à Napoléon, et à un perdant. Pourtant le personnage fascine encore aujourd’hui, alors qu’il n’a pas fait que du bien et qu’il a été vaincu. Il reste charismatique.

Vous démarrez par la séance protocolaire (ce jeudi 18 juin à 10h55 sur La Une). Un exercice plus difficile ?

Je l’ai déjà fait pour les 70 ans du Débarquement en Normandie et la Libération d’Auschwitz. C’est vrai que ce ne sont pas des «Joyeuses entrées». Il n’y a pas de place pour une petite vanne en cas de petit couac. Jusqu’ici, j’ai réussi à garder mon sérieux en toute circonstance, mais je ne suis pas à l’abri d’un craquage. (rires) C’est surtout quand on ne peut pas rire que le risque est le plus grand. Je serai accompagné de Pierre Marlet. C’est une grande chance pour moi, parce qu’il est rompu à tout ce qui est direct. Pierre sera la conscience plus historique, et moi, je vais orchestrer les choses. Il y aura aussi deux invités en plateau qui apporteront leur éclairage.

Pour la reconstitution du vendredi soir, c’est comme pour l’Eurovision, vous avez assisté aux répétitions pour prendre vos repères ?

J’aurais bien aimé… (rires) Il n’y a pas de répétitions la veille, parce qu’avec 5.000 figurants, il n’y avait pas moyen de répéter. J’ai une équipe qui va m’aider, d’ailleurs tout est encore en construction, on aura terminé vraiment à la toute dernière minute.

Sans filet, vous n’êtes pas trop stressée ?

On a fait une conduite, mais on sait qu’il y aura des moments où il va falloir faire place à de l’imprévu pendant le direct. C’est le côté stimulant. J’ai beau savoir qu’il y aura plus de 5.000 figurants et une centaine de milliers de spectateurs dans les gradins, j’ai du mal à visualiser ce que ça va donner. On va vivre quelque chose d’extraordinaire. Il faut garder à l’esprit que c’est une bataille, et donc la guerre. Ce n’est pas un événement folklorique, ce sera fort et impressionnant. On va vite se rendre compte que dans la réalité, ce n’est pas une fête !

Waterloo, pour vous, c’est plutôt ABBA ou une bataille ?

(Rires) Avant, peut-être que c’était plutôt ABBA… Maintenant, je suis tellement dedans que c’est une bataille. C’est drôle parce que ce matin, je me suis demandé ce que voulaient exactement dire les paroles de la chanson. En fait, il n’y est pas du tout question de la bataille. À jamais, ce sera désormais la bataille, avec tout ce que je sais maintenant…

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Qu’est-ce qui fait le succès des programmes historiques, que ce soit «Retour aux sources» ou «Sur les traces de…» ?

Je ne fais pas de classement d’intérêt ou d’intelligence entre les programmes. On a tous des moments où on a envie d’apprendre, de se divertir ou d’autres choses. Et heureusement qu’il y en a pour tous les goûts. Je crois que le public aime bien qu’on lui raconte des histoires, que ce soit dans une émission d’Histoire justement, comme à l’opposé, dans de la téléréalité où finalement on raconte l’histoire de quelqu’un. Ce qui fait la différence sur la RTBF, par rapport aux chaînes françaises, c’est que l’on parle de nous. Mais l’histoire française nous touche aussi beaucoup parce qu’elle est proche. Dans le cadre deWaterloo, c’est carrément la nôtre. La Belgique n’existait pas, mais ça s’est passé dans nos villages.

Il y a le côté authentique aussi…

Bien sûr, nous avons la nostalgie d’une époque que l’on n’a pas connue. On retrouve ça aussi dans les jeux de rôles grandeur nature auxquels s’adonnent certaines personnes. J’ai été surprise de découvrir qu’il y a une telle communauté de passionnés par tout ce qui touche à la bataille et à Napoléon, en général. Par exemple, chaque année, ils font une reconstitution. Pas à l’échelle de celle du bicentenaire évidemment… Ils ont une patience et une exigence dans l’habillement et le comportement. Ils (re)vivent cette époque qu’ils n’ont de toute façon pas connue. Il y a presque du fanatisme, et on retrouve des personnes de toutes les classes sociales. Dans les «reconstitueurs», j’ai eu des témoignages de personnes qui attendent ce moment depuis plus de 20 ans ! C’est interpellant.

Après deux saisons, le bilan de «Retour aux sources» est-il bon ?

Nous avons un débriefing à la fin du mois de juin. Nous sommes contents des retours positifs de l’émission et des audiences dont on n’a pas à rougir dans une case qui n’est pas évidente et pas toujours très tôt en soirée, le vendredi. C’est vrai que l’on sort de deux grosses années de commémorations des deux guerres mondiales. Je pense qu’à la rentrée, on pourra se permettre de varier un peu plus les sujets, même si les gens ont besoin de revenir sur les conflits mondiaux. On n’a pas senti de lassitude auprès des téléspectateurs. On a diffusé huit documentaires sur la Shoah, c’était dur à vivre et à voir. Et malgré tout le public a répondu présent.

Entretien : Pierre Bertinchamps

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici