Emmanuel Tourpe : «La RTBF n’est pas un ministère de la télévision où tout est planifié !»

Emmanuel Tourpe : «La RTBF n’est pas un ministère de la télévision où tout est planifié !»
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

Depuis la rentrée, la grille des programmes de La Deux est sans cesse modifiée. De quoi faire tourner en bourrique les téléspectateurs…

En juin dernier, la RTBF annonçait un grand changement dans la ligne éditoriale de La Deux. La chaîne allait cibler un peu plus le public féminin, avec en même temps un petit rajeunissement de l’audience grâce à des programmes plus «lifestyle» et sociétaux.

En septembre, ce sont les soirées et les après-midis qui ont été réformées. Avec beaucoup de nuances dans le résultat.

«La Deux est en chantier depuis 8 ans !»

«Cette chaîne ne cesse pas d’être en chantier depuis 8 ans ! Ce qui est grand prend du temps et de la patience…», sourit Emmanuel Tourpe, directeur de la programmation à la RTBF. «Ce qu’on a essayé de faire depuis un an, c’est de préciser les positionnements».

Le but est d’éviter au maximum des émissions qui aillent d’une chaîne à l’autre, comme c’était le cas auparavant, sur la RTBF. «Depuis 2006, il y a eu des développements en masse pour donner une identité propre à La Deux. Comme « Un gars, un chef », qui est un carton, « 69 minutes sans chichis » qui explose tous les scores moyens de la chaîne, toutes les deux semaines. « Tout ça » qui a aussi trouvé sa place sur la chaîne. On a créé une case série le dimanche soir qui marche très bien, entre 6 à 8 % de parts de marché. Ce qui est plus que la moyenne de La Deux. La case du mercredi soir, avec un film d’action, marche bien malgré la concurrence forte, face parfois à du foot».

«La Deux ne fait pas du NRJ12 !»

Des réussites, mais aussi des échecs. «Il y a deux cases dans lesquelles nous sommes moins performants : le mardi soir et le vendredi soir», précise le directeur de la programmation. «Mais je réfute l’affirmation qui dit que le documentaire sociétal du mardi ne marche pas. Cette case a cartonné tout l’été jusque fin septembre. Depuis, elle a souffert de la concurrence de « L’Amour est dans le pré ». Cette case a largement augmenté sa part de marché».

Le public est lui parfois surpris de retrouver ce type de programmes issus de «Tellement vrai» (NRJ12), sur le service public. «Ce sont des documentaires provenances variées, et certains sont soit inédits, soit diffusés sur des chaînes françaises qui n’ont rien à voir avec NRJ12», insiste Tourpe. «Nous essayons de clarifier un positionnement de La Deux qui est très clair, celui de l’analyse de société. La Deux veut décrypter les faits de sociétés avec une écriture ancrée sur les témoignages…»

«Nous n’avons pas le doigt sur la gâchette en permanence»

Le directeur reconnaît ses faiblesses dans le choix des programmes du vendredi soir. «Là, c’est clair que c’est un échec», avoue-t-il. « »Médecins légistes » n’a pas marché, je suis d’accord. Aujourd’hui, nous proposons un documentaire («Echappée belles», NDLR). Il faut laisser le temps au temps. Si nous avions en permanence, le doigt sur la gâchette, on serait avec une case vide le vendredi !», explique Emmanuel Tourpe. « »Cauchemar en cuisine » a doublé son audience par rapport à son démarrage sur RTL-TVI. Le monde de la télé est un monde où l’on a à faire à un public qui a ses habitudes et qui a besoin de temps pour repérer les choses. Ce n’est pas au bout d’une soirée que je me dis que c’est fini…»

Mais la direction de la RTBF ne compte pas laisser traîner les choses non plus. «C’est clair que si au bout de cinq numéros, ça ne décolle pas, nous allons certainement revoir le dispositif…»

Autre case qui a des hauts et des bas : la séance ciné du samedi soir. «Le cycle James Bond a multiplié par trois la moyenne de la case, et celui sur Harry Potter fonctionne très bien. Nous voulons imposer une logique de cycles, le samedi soir, sur La Deux. L’idée de fond est d’avoir une fiction de haut niveau, en complément du policier sur La Une. Jusqu’ici, on avait testé plein de choses, et c’est la première fois que notre offre fonctionne».

L’échec de «C àvous»

Depuis la rentrée, la grille de l’après-midi a été modifiée quasi tous les quinze jours. Programme vedette annoncé à la rentrée, «C à vous» a déçu. Et il a fallu pas mal de déprogrammations avant de trouver la bonne formule de remplacement.

«L’après-midi, La Deux est maintenant à 5 % de parts de marché, là où on était à 1 % depuis la rentrée», confie Emmanuel Tourpe. «La RTBF n’est pas une espèce de ministère de la télévision qui a, une fois pour toute, planifié ce qui a été décidé. Nous sommes forcément dans de la patience, de l’effort et de la persévérance. Si ça ne fonctionne pas, on enlève et on tente autre chose».

Mais La Deux a une obligation presque contractuelle ! « Notre obsession est de ne pas proposer la même chose que sur La Une. Le mauvais exemple pour moi, c’est France 2 et France 3, qui mangent dans la même gamelle ! Nous, nous visons une complémentarité».

«Un bon coup de pied au cul !»

Et justement, les après-midis sont chahutés dans le PAB depuis que RTL-TVI a réformé sa grille en supprimant le téléachat, en avril dernier. «C’était un bon coup de pied au cul ! C’était utile, mais La Une est revenue à l’équilibre après avoir un petit peu morflé», explique le directeur de la programmation. «Sur La Deux, ça nous a obligé à mettre une offre un peu plus sérieuse. Le challenge était osé pour RTL, en sachant ce que ça peut coûter les recettes engendrées. On l’a accepté et on a relevé le défi. Je leur dis « Bravo ! ». Mais à la RTBF, ça fait juste quatorze ans que nous avions une offre l’après-midi !»

«Nous ne collons pas des trous avec des émissions de M6 !»

Pour la RTBF, La Deux n’est pas recalée pour sa rentrée. «Elle n’est pas mauvaise du tout !», insiste Tourpe. « Case par case, je peux démontrer qu’il n’y a que trois échecs. On ne peut pas nous reprocher de tenter des choses, et ensuite affirmer que tout ne va pas. C’est faux !»

Et d’en profiter pour lancer une petite pique à destination de la concurrence. «Nous ne sommes pas une chaîne privée. Nous offrons du sens et de la diversité. Nous n’allons pas juste coller les trous avec des séries ou des programmes achetés à M6 !»

«Nous analysons en permanence, en essayant d’éviter le flux de panique», conclut Emmanuel Tourpe.

Au passage quelques petits remaniements sont déjà opérés sur La Deux, cette rentrée de janvier

Entretien : Pierre Bertinchamps

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