[Eurovision] Gjon’s Tears (Suisse) : «Le français, c’est l’authenticité et la sincérité»

Gjon's Tears représente la Suisse à Rotterdam © David Tomaszewski & Bertrand Marin
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Le demi-finaliste de «The Voice – la plus belle voix», en 2019, représente la Suisse, ce jeudi à 22h30 sur La Une, au Concours Eurovision de la chanson.

La Suisse est donnée favorite du 65e Concours Eurovision, avec un titre en français, «Tout l’univers». C’est d’ailleurs son univers que nous détaille le jeune fribourgeois, Gjon’s Tears

D’où vient votre nom ?

À 8 ans, à l’école primaire, je devais présenter ma passion. Et je n’avais rien ! J’ai essayé plein de choses (le karaté, le football,…) et là où j’ai eu le déclic, c’est le piano. J’ai tout de suite été attiré par la tessiture et la beauté de ce que représentaient Mozart, Beethoven et Bach. Une année plus tard, mon grand-père me demande de chanter au piano sa chanson préférée «Can’t Help Falling in Love» (d’Elvis Presley). Il s’est mis à pleurer. Ses larmes ont été importantes pour moi. C’est symbolique, je pensais avoir un superpouvoir et que je faisais pleurer les gens. Il m’a dit : «Il faut que les gens t’écoutent, il faut que les gens te voient».

Vous avez fait pas mal de télécrochets avant l’Eurovision ?

J’ai été repéré par des producteurs albanais qui me proposent à 11 ans de faire «Got Talent» en Albanie. Je présente trois titres en français («Belle», «Je t’aime» et «La Vie en rose») sur la 1re saison, et je finis à la 3e position. Depuis les choses se bousculent. On me demande de faire «La France à incroyable talent» (M6/Plug RTL), la même année que Marina Kaye, mais comme elle était plus préparée que moi, c’est elle qui a été prise. J’avais pu passer les auditions devant le jury. Et la Suisse m’a aussi appelé pour la finale du même concept chez nous… À 13 ans, j’ai dit «Stop» ! J’avais envie d’abord d’une éducation scolaire et de vivre comme tous les ados. J’ai pris le temps de construire mon univers.

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Quel est votre univers ?

Quelque chose de très alternatif. Mon modèle de perfection, c’est Jean-Sébastien Bach. Il est en haut de la pyramide. C’est la première fois que j’entendais de la musique qui me bouleversait autant. Ça me faisait même peur de par un côté mystique. Je suis allé au conservatoire, et j’ai fait du chant lyrique. J’ai aussi appris à yodeler. Ça part dans tous les sens… mais j’ai toujours été passionné. Après, j’ai découvert des artistes qui m’ont marqué comme Grace Jones, David Bowie ou Nina Hagen. Des gens qui ont osé, et on leur riait au nez. Maintenant, ce sont des icônes.

Et si je vous décris comme William Sheller, plus moderne…

Ça me fait plaisir ! Je ne sais pas si j’ai l’audace de me considérer comme lui… Effectivement, il y a du piano-voix, et je reçois la musique comme lui. D’un autre côté, je suis plutôt quelqu’un de très alternatif. Au niveau des productions, ce qui m’inspire, c’est FKA Twgis ou Charli XCX.

Et rien dans le répertoire francophone ?

Si, et il y a même des francophones belges comme Alice on the Roof ou mon ami Antoine Delie avec qui j’ai toujours une bonne relation et qui me nourrit par ses chansons. Du côté français, j’aime bien Yelle. C’est minimaliste, avec des productions osées.

Vous préparez un album ?

Oui, mais il est un peu ralenti avec l’Eurovision. Je veux aussi prendre mon temps artistiquement et travailler avec les bonnes personnes. J’aimerais qu’il sorte fin de cette année, début de l’année prochaine.

Mika vous a-t-il aidé depuis la fin de «The Voice France» ?

Non, je n’ai pas de nouvelles de lui. C’est quelqu’un de très occupé. Je l’ai recroisé et on a discuté un peu, et il a été agréablement surpris de me voir dans le Times anglais. Il était fier de m’avoir coaché.

Pour un artiste suisse, «The Voice» est aussi le tremplin pour l’Eurovision ?

«The Voice» a été un tremplin, tout simplement. Je n’avais pas du tout en tête de faire l’Eurovision. J’avais surtout envie de signer dans un label pour pouvoir faire ma musique. Finalement, ça retarde le processus, mais pour de bonnes raisons. Dans «The Voice», j’ai beaucoup appris sur moi et sur ce que j’ai envie de faire. J’ai hâte de retrouver la scène pour chanter ou pour le théâtre que j’ai fait à une époque. Vis-à-vis de l’Eurovision, «The Voice» m’a aidé à faire de la télévision, à me tenir devant les caméras. On a des coaches pour la musique, des coaches vocaux, et on a fait des tableaux visuels formidables.

Ne pas gagner ne vous a pas handicapé ?

Pas du tout. La preuve, Yseult qui n’a pas eu de fauteuils qui se sont retournés. Pour moi, gagner «The Voice» n’est pas un gage de qualité. Évidemment, gagner l’Eurovision me ferait très plaisir. Ça ne signifie pas forcément que c’est un gage de qualité, c’est plutôt le plus «aimé» par un pourcentage de la population. Arriver dans les cinq premiers, c’est un gage de qualité, ça veut dire qu’on a vu mon travail et qu’on l’a apprécié. Mais j’accepterai ce qui viendra. Mon but est d’y prouver la qualité de mon travail, tout comme à «The Voice». Je suis heureux d’être arrivé jusque-là et d’avoir pu me challenger.

Comment a été écrite la chanson pour l’Eurovision ?

Le groupe suisse Aliose m’a contacté et nous avons fait un camp d’écriture, sans me dire que c’était pour l’Eurovision. Quand je l’ai su, j’ai un peu hésité. Je ne voulais pas refaire un télécrochet après un autre télécrochet. Finalement, j’ai appris ce que c’était que le Concours Eurovision, et que je devais foncer pour faire cette expérience.

Vous espérez un top 5, mais vous êtes ultra-favori…

J’en suis fier parce que si je fais de la musique, c’est pour les autres. Je suis content que le public remarque que ce n’est pas moi qui essaie de rentrer dans un format, mais c’est juste qui je suis. On me dit que le titre de 2020 et celui de 2021 ne changent pas beaucoup. Ce confinement d’un an ne m’a pas permis de rencontrer des gens ou de faire des choses qui m’ont inspiré du changement. Je reste authentique. Je vais être honnête, j’ai un peu la pression, mais ça me donne envie de me surpasser. Quand on est trop favori, on n’a pas envie non plus de décevoir les gens.

Quelle chanson préférez-vous : «Répondez-moi» (pour l’édition 2021) ou «Tout l’univers» ?

Mika m’a appris que la vie d’une chanson vaut sept ans par rapport à une année civile. Je suis d’accord parce qu’on ne voit pas tout le processus de préparation. Quand j’ai sorti «Répondez-moi», je ne pouvais plus l’entendre tellement je l’avais chantée. Tellement on a fait des versions différentes (plus d’une trentaine !). Pour «Tout l’univers», j’ai refait 92 fois le couplet et 95 fois le refrain pour avoir la prise parfaite. Je n’ai pas envie de répondre que je préfère l’un ou l’autre, mais le titre «Répondez-moi» est tellement lointain maintenant…

C’est important de chanter en français à l’Eurovision ?

C’est ma langue maternelle, et c’est celle avec laquelle je peux le mieux interpréter mes chansons. Je chante aussi en anglais, d’ailleurs, je l’ai d’abord écrite en anglais sous le titre «Ground Zero». L’expression du titre n’existe pas en français, et c’est ce que je veux décrire par ce titre. Le français me permet d’être authentique et de décrire ma sincérité et mon innocence. Je veux être le plus juste dans l’interprétation.

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