Gaëtan Vigneron : «Les pilotes de F1 sont les gladiateurs des temps modernes»

Gaëtan Vigneron : «Les pilotes de F1 sont les gladiateurs des temps modernes»
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Le journaliste sportif fête, cette année, ses 25 ans comme commentateur principal de la Formule 1 sur la RTBF.

C’est en 1991 que Gaëtan Vigneron couvre son premier Grand Prix de Formule 1, en Espagne. Mais ce n’est que trois ans plus tard qu’il sera promu commentateur principal de la compétition. «Je ne compte pas les années», sourit Gaëtan Vigneron (58 ans). «Par contre je suis sûr d’avoir fait 480 Grand Prix !»

Juste avant le Grand Prix de Monaco 2019, qui sera diffusé ce week-end sur La Deux (les qualifs samedi à 13h55 et la course dimanche à 14h30), le journaliste revient sur sa formidable carrière.

D’où vous vient cette passion pour le sport moteur ?

J’aime beaucoup les sports moteurs, mais pas que… C’est une passion pour le sport en général. Ça s’est dessiné très tôt car je me souviens avoir été voir les 24 Heures de Spa-Francorchamps quand j’étais enfant, avec mon père. La Formule 1 m’a toujours attiré et je regardais les Grand Prix à la télé. C’était encore en noir et blanc. J’ai appris récemment qu’à la RTBF, on commente la F1 en direct depuis plus de 50 ans. Et il n’y a eu que trois commentateurs : Paul Brant, Richard Debeir et moi. C’est hallucinant !

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Parce que c’est difficile à suivre et commenter ?

C’est plus difficile que le foot, et pourtant, j’ai couvert cinq Coupes du Monde. Il y a plein d’éléments qui entrent en ligne de compte, au-delà de la course. Il y a l’aspect technique, mais aussi politique, économique et environnemental. En coulisses, il y a des luttes d’influence et les stratégies. C’est compliqué à gérer et à tout essayer de maîtriser avec peu de moyens.

À la RTBF, nous sommes peu sur la compétition. Pour la chaîne Sky, en Angleterre, ils sont 85 personnes sur un Grand Prix. Nous, quand on a la grande équipe, nous sommes… 4 ! 

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C’est aussi un milieu très fermé où il faut se montrer sur place pour gagner sa crédibilité. Parfois on me rétorque : «Tu connais tout, tu es là depuis toujours !». OK, mais les générations changent et les pilotes défilent dans les écuries. Il faut, à chaque fois, tout recommencer avec eux, recréer une relation avec les pilotes. Et nous ne sommes pas les seuls sur la place, il y a toutes les télés du monde.

Quand un Belge est dans la compétition, on ressent un net engouement ?

C’est mieux. Mais j’ajouterais que c’est mieux si ça marche. Stoffel Vandoorne avait vraiment le talent pour réussir, mais pour différentes raisons, ça n’a pas pris. On voyait quand même qu’au début, l’engouement des Belges était là.

L’avantage de la F1, c’est qu’il y a une base de téléspectateurs très fidèles, quasi depuis toujours et qui nous permet de faire des très bons scores. Mais avec un Belge qui monte sur le podium, je suis certain que l’on vivrait ce qu’on a vécu en tennis avec Justine Henin et Kim Clijsters : des gens qui ne connaissaient pas le sport mais qui venaient voir tous les matches.

Un deuxième Thierry Boutsen ?

Oui. Et ce n’est pas facile, entendons-nous bien : il n’y a que 20 pilotes de F1.

Et l’absence de Schumacher ?

Non. Il y en a d’autres qui lui ont succédé. Bien sûr, il a marqué la F1. Et c’est lui qui statistiquement a le plus de tout. C’était un fameux personnage. Qu’on l’aime ou pas, c’était une chance de le côtoyer.

Ça n’a pas marché entre nous au début, et à la fin de sa carrière, il m’a invité chez lui, en Suisse, pour un week-end. C’était un souvenir incroyable. J’y ai découvert l’homme, le vrai.

Qu’est-ce qui fait le succès de la F1 à la RTBF ?

Je crois qu’un pilote de F1 est un gladiateur des temps modernes. Il conduit des voitures inimaginables, et il prend des risques insensés en roulant à des vitesses incroyables. Pour attirer les gens, on essaie de raconter des histoires parce que pour une majorité du public, la qualité d’un pneu, ça ne lui parle pas. La F1 doit mettre plus l’accent sur l’humain, moins la mécanique. Je vois ça comme un feuilleton en 21 épisodes (les 21 GP, NDLR). Une téléspectatrice m’appelle «son Visa pour le monde», parce que pendant 21 semaines, je lui raconte des histoires sur les lieux où se trouve le circuit. Ça m’avait touché. Il ne faut pas oublier qu’on ne commente pas que pour les amateurs de mécanique.

Quel est votre Grand Prix préféré ?

Toujours le prochain ! (rires) Mais Monaco n’est pas mon circuit fétiche, alors que pour beaucoup de gens, c’est celui qui les fait rêver. Il est compliqué pour y travailler. Le cadre est magnifique, bien sûr. S’il je devais en retirer un, ce serait le Grand Prix du Canada. Il réunit à la fois l’accueil, l’atmosphère, le cadre, la passion et surtout la ville de Montréal qui vit pour la F1 durant une semaine.

C’est ce qui manque à Spa ?

Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses à faire. Il faudrait plus développer l’événement. Quitte à se dire que la F1, on s’en fout, mais c’est une manifestation mondiale qui met la Belgique et la Wallonie sur la carte du monde.

Pour moi, l’accueil devrait commencer dès que les gens arrivent à l’aéroport de Zaventem, et on accompagnerait les visiteurs avec des activités jusqu’à l’issue du Grand Prix. Il n’y a pas que la F1… on pourrait faire des choses à Liège, Bruxelles ou même Bruges et Gand. On ne profite pas assez de cette caisse de résonance.

La F1 et l’environnement, ça ne colle pas ensemble ?

C’est un faux débat. Ce genre de remarque est non fondé. Des études prouvent qu’une saison de F1 pollue moins que le Tour de France, à cause de la caravane qui à une empreinte environnementale très négative. Et on va faire la Coupe du Monde de foot au Qatar avec des conditionnements d’air où l’impact sera catastrophique. Le politiquement correct ne jure que par la Formule E alors que jusque cette année, les écuries avaient le double de bolides parce que l’autonomie n’était pas suffisante pour une course. Tout ça se faisait en avion… C’est du cirque ! En F1, on a réduit techniquement parlant la consommation d’essence de 35%, avec des systèmes de récupération d’énergie. Et en plus, tout se retrouve ensuite sur la voiture de Monsieur Tout-le-monde.

Et dans votre vie personnelle…

Je suis sensible à l’environnement. On doit tous y être attentif et faire des efforts, mais il ne faut pas se radicaliser. Le sport moteur a le droit d’avoir ses amateurs. Toutes ces remarques deviennent des caricatures.

Vous avez conduit une Formule 1 ?

Trois fois : à Spa (dans une Larrousse), au Castelet (dans une Renault) et à Monza (une Minardi) C’était fantastique, malgré les vitesses réduites ! On avait eu un petit écolage, on a pu faire trois tours. C’était un vrai rêve. Les ingénieurs qui avaient suivi mon parcours me reprochaient de freiner beaucoup trop tôt. J’étais trop mou.

À la ville, vous avez une voiture de sport ?

Pas du tout. C’est un cliché de nouveau… Je ne suis pas non plus un malade sur la route. Je porte toujours ma ceinture, et je suis extrêmement prudent. Ce n’est pas parce que je commente la F1 que je suis un danger sur la route. Mes enfants ont dû passer un stage de conduite lorsqu’ils ont eu leur permis. J’ai absolument voulu les sensibiliser. Je trouve qu’on devrait utiliser les pilotes de F1 pour faire de la prévention routière, par exemple. Ce sont des vecteurs de communication incroyables.

Autre cliché du métier : ces 21 déplacements, ce sont des vacances ?

C’est une épreuve physique et mentale. C’est trop 21…C’est compliqué pour la vie de famille où il faut trouver un équilibre. Ce n’est pas du tout des vacances, mais je ne me plains pas. Et «Le Week-end sportif» me permet de faire une petite pause tout en restant actif entre deux Grand Prix.

Entretien : Pierre Bertinchamps

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