Hakima Darhmouch : «L’antenne est une autre partie de ma vie qui est derrière moi !»

«Je veux donner une envie de découvrir et susciter une curiosité quel que ce soit son milieu socio-économique et sur tous les supports», nous dit-elle © Isopix
Pierre Bertinchamps Journaliste

À la tête d’un des plus gros départements de la RTBF, l’ex-journaliste parle de son nouveau métier dans les coulisses de la télé.

En mai 2018, Hakima Darhmouch faisait le choix d’abandonner le fauteuil du «RTL Info 19H» pour prendre les rênes du Pôle Culture à la RTBF, plus exactement en tant que Responsable Culture & Musique. En 18 mois, elle a notamment mis à l’antenne «Plan Cult» (La Trois), relifté «Décibels» (La Deux), et participé activement à la refonte de La Trois, en septembre dernier. Plus que jamais, la culture, c’est son nouveau dada !

En télévision, la culture est-elle bien traitée ?

La culture recouvre tellement de disciplines… Je ne m’arrêterais pas à la télévision puisque la RTBF propose plusieurs plateformes. Dans le paysage belge francophone, c’est la seule entreprise qui en diffuse autant. Est-ce qu’il y a en a trop ou pas assez ? Il y en a beaucoup et on peut toujours en faire plus. Ce qui facilite les choses, aujourd’hui, c’est qu’il y a, à la RTBF, une identification des publics où on essaie de davantage cibler le contenu en fonction des besoins et des attentes du public. Le but est de ne laisser personne sur le bord de la route.

Un exemple concret ?

Comment essayer de toucher les 15-24 ans avec de la culture au sens large ? La musique, ça passe bien grâce à la musique urbaine, mais si on prend les arts plastiques, c’est plus difficile pour les happer. C’est un des gros défis, et pas que pour la RTBF, pour tous les opérateurs que ce soit les musées ou les théâtres. La conquête du jeune public est une grande réflexion du moment. J’aimerais pouvoir m’inscrire dans les codes des plus jeunes avec des contenus culturels. Le «gaming» est dans mes attributions de par son phénomène. Plus concrètement, l’Opéra Garnier à Paris a réussi à conquérir les enfants de 7 ans en créant un escape game autour de l’œuvre «Le Fantôme de l’Opéra». C’était un succès phénoménal. Le gaming a été un vecteur pour les attirer.

Vous vous y êtes mise ?

Non, j’ai une équipe chapeautée par un expert. Le tout est de pouvoir être nourrie par l’expérience des autres. Je ne peux pas tout maîtriser. Mon postulat de départ était de pouvoir rendre la culture plus accessible. C’était le cœur de mon dossier de candidature. Je veux donner une envie de découvrir et susciter une curiosité quel que ce soit son milieu socio-économique et sur tous les supports.

C’est le plus gros département ?

Il y a l’information qui est un pan colossal mais j’ai un gros portefeuille et c’est un moteur au cœur des valeurs du service public. Il va du Concours Reine Elisabeth au hip-hop, la littérature, les arts de la scènes, les arts plastiques, le gaming, l’histoire…

Est-ce qu’il y a un domaine plus facile à vendre ?

Non, il suffit d’identifier les publics. Quand on travaille sur un projet, on ne se dit pas que la personne qui écoute «Un jour dans l’histoire» (La 1ère) doit absolument regarder «Kiosk» (La Trois). Nous sommes là pour tous les amateurs de culture.

Être le seul média audiovisuel qui propose de la culture en Belgique francophone, ça ne rend pas les choses plus difficile ? Il faut «tout caser»…

Absolument pas ! Et c’est pour ça que je suis venue à la RTBF. J’étais en demande de culture et assoiffée d’enrichissement à titre personnel et professionnel. Justement, c’est très dense et ça occupe. Je ne fais pas tout, toute seule non plus. J’ai deux adjoints et des producteurs et des productrices très inventifs. Nous sommes présents partout… J’ai la chance de pouvoir chapeauter un portefeuille qui possède une telle richesse.

Votre arrivée sur le service public s’est bien passée ?

Mon poste n’existait pas en l’état. J’ai dit avec beaucoup de transparence et de sincérité : «Parlez-moi en tout franchise. Je suis prête à collaborer avec vous et à tout entendre !». J’avais moi-même identifié des choses qui fonctionnaient moins bien que d’autres. La démarche a été extrêmement positive. Même avec les opérateurs culturels, nos discussions m’ont nourrie. C’est beaucoup d’écoute, beaucoup de partage et des rencontres. C’est comme ça qu’est né «Plan Cult» qui permet de mettre en lumière différents lieux culturels puisque nous tournons sur place. Au départ, je planchais sur un agenda culturel et plutôt que de rester en studio, je voulais aller vers les lieux où se fait la culture, et en plus, je voulais un jeune à la présentation. Et par pour faire du jeunisme !

«Plan Cult» fonctionne ?

Oui, grâce à la multidiffusion et les réseaux sociaux. Plus anecdotique, des Flamands ont découvert des lieux culturels en Wallonie grâce à l’émission. Un journaliste du Standaard m’a contactée grâce au programme. Ce n’est pas le cœur de cible, mais ça fait plaisir de ne pas intéresser que les francophones.

Qu’est-ce qui vous passionne ?

Quand je fais une virée culturelle, je me prépare un package global. J’aime bien l’art plastique, et les expos plutôt contemporaines. Et si je peux allier un concert ou une pièce de théâtre, c’est parfait.

Quel domaine aimeriez-vous voir à la télévision ?

Les pièces de théâtre et une reconnaissance du talent de nos artistes comme ça se fait en France avec les Molières. J’y réfléchis… Nous avons une création de qualité et une reconnaissance internationale que l’on peut sentir au Festival d’Avignon. Ça me plairait de les mettre en valeur.

Vous avez tiré un trait sur la télévision ?

Je produis du contenu, mais l’antenne ne me manque absolument pas. J’ai fait quelques années d’antenne et c’était une belle expérience, mais c’est une autre partie de ma vie qui est derrière moi. Elle a beaucoup compté mais elle fait partie du passé. Ce qui est drôle, c’est que pas mal de gens pensent me voir encore dans le petit écran… Je n’ai pas de manque parce que je l’ai ardemment voulu et je m’épanouis dans ce que je fais aujourd’hui. Mettre des nouveaux visages à l’antenne ou en accompagner d’autres, c’est grisant aussi.

Propos recueillis par Pierre Bertinchamps

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