Jean-Paul Philippot demande que le nouveau contrat de gestion de la RTBF tienne compte de l’arrivée de TF1 en Belgique

Jean-Paul Philippot demande que le nouveau contrat de gestion de la RTBF tienne compte de l'arrivée de TF1 en Belgique
Julien Vandevenne
Julien Vandevenne Rédacteur en chef adjoint

L’administrateur-général de la RTBF Jean-Paul Philippot s’est inquiété jeudi des effets de l’organisation prochaine de décrochages publicitaires de TF1 en Belgique, appelant la Fédération Wallonie-Bruxelles à intégrer cet impact budgétaire dans le prochain contrat de gestion de l’opérateur public pour la période 2018-2022.

« Il est clair que l’argent qui remonte vers des actionnaires étrangers n’est pas réinvesti dans la production locale… », a commenté M. Philippot, interrogé jeudi après-midi en commission Médias du Parlement de la Fédération. « On devra faire avec. Mais il sera nécessaire d’intégrer une couverture de ce risque dans notre contrat de gestion », a-t-il plaidé devant les députés.

Attirant 15% de l’audience en Fédération Wallonie-Bruxelles, la chaîne privée française entend organiser dès l’automne prochain des décrochages publicitaires en Belgique pour y monétiser cette audience. Selon des estimations, cela pourrait priver la RTBF et RTL-TVI de 20 à 30 millions d’euros en recettes publicitaires, ce qui aura des effets sur l’emploi et la production de ces chaînes.

La RTBF tire 21% de ses recettes de la publicité, contre 72% de la dotation que lui verse la Fédération Wallonie-Bruxelles, dont les finances sont sous pression. Dans la presse, l’administrateur général avait évoqué une perte potentielle d’une centaine d’emplois au sein de l’opérateur public qui compte aujourd’hui un peu moins de 2.000 équivalents temps-plein.

Pour amortir ce choc, M. Philippot avait suggéré à son conseil d’administration d’autoriser sa régie publicitaire RMB à prendre TF1 en portefeuille afin d’en retirer des commissions de vente, et préserver l’accord de primo-diffusion de films négocié entre la cité Reyers et la chaîne française. Mais une majorité d’administrateurs de la RTBF a toutefois rejeté sa proposition il y a deux semaines.

« (Cette décision) réduit notre capacité de proactivité », a déploré jeudi M. Philippot. « La RTBF n’a plus qu’à implorer les astres pour être sûr que nous nous sommes trompés dans notre analyse ».

De plus, minimiser le risque et l’impact de cette arrivée sur le marché belge, comme le fait selon lui RTL-TVi, constitue une erreur stratégique. « Toutes les batailles ont été perdues par ceux qui ont sous-estimé leur adversaire… », a-t-il averti.

Flanqué du président de son conseil d’administration Jean-François Raskin, M. Philippot a détaillé près de cinq heures durant la stratégie de transformation de la RTBF à l’horizon 2022 dans un paysage médiatique en pleine transformation, marqué par l’émergence de puissants groupes étrangers (Netflix, Apple, Spotify, YouTube,…) et un changement des habitudes de consommation du public, via des supports mobiles d’une part, et de manière différée ou à la demande d’autre part.

« On ne regarde plus les programmes au moment où ils sont diffusés, et on ne les regarde plus à la télévision », a-t-il résumé. Avec énergie, M. Philippot a défendu devant les députés l’importance de préserver les ambitions et le financement du service public francophone belge qui consacre 88% de ses moyens à développer une production propre (en culture, en info, en séries, etc.). Cela en en fait l’un des, sinon le, champion européen à cet égard, alors que la RTBF est l’un des médias publics les moins bien dotés financièrement avec 47 euros par habitant, contre une moyenne européenne de 67 euros par habitant, a-t-il déploré.

« L’enjeu, c’est de conserver à l’avenir des productions qui soient faites localement, avec du personnel avec des contrats à durée indéterminée et payé avec des salaires raisonnables ».

u la densité du débat, les députés ont convenu jeudi de poursuivre l’échange avec l’administrateur-général le 25 avril prochain. Le Parlement, appelé à formuler ses recommandations sur le futur contrat de gestion de la RTBF, entendra dans les semaines qui viennent différents parties prenantes, dont le CSA, les syndicats et les sociétés de journalistes, ainsi que la RMB, les télévisions locales ou encore les éditeurs de presse notamment.

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