«Le Temps d’une histoire» : les petites sœurs des chiffonniers

Elles se sont rencontrées au Caire et ne se sont plus jamais quittées © Balanga/RTBF

L’une est copte et égyptienne, l’autre est catholique et belge. Sœur Sarah et sœur Emmanuelle se sont rencontrées au Caire et ne se sont plus jamais quittées… Vendredi soir sur La Une, Patrick Weber donne la parole à sœur Sarah, qui a accompagné sœur Emmanuelle plus de trente ans.

Sœur Emmanuelle l’appelait «Sarah de mon cœur». Lors de leur rencontre en 1976, cette dernière a 29 ans et ne se doute pas qu’elle va passer trente ans dans les bidonvilles du Caire, auprès des chiffonniers. «La première fois, j’ai été saisie par la puanteur… Pour survivre, ils ramassaient les ordures dans les quartiers riches», se souvient sœur Sarah aujourd’hui, à 75 ans. Elle restera à la demande de sœur Emmanuelle. Au début, elles partagent la même cabane et s’emballent, la nuit, de papiers journaux pour éviter puces et morsures de rats.

Le soir, sœur Emmanuelle lui raconte sa vie. Madeleine est née en 1908 à Bruxelles d’un père français et d’une mère belge. Après la Première Guerre mondiale, la famille Cinquin s’installe à Paris. Madeleine va tous les jours à la messe. En 1929, à 21 ans, elle entre au noviciat de Notre-Dame de Sion. «Elle aimait rire et a eu du mal à se plier à la discipline.» En mai 1931, elle devient sœur Emmanuelle et est institutrice. La congrégation a des écoles partout dans le monde. Envoyée à Istanbul, elle demande l’autorisation de vivre auprès des pauvres. Ce qui lui est refusé. Fin de la Seconde Guerre mondiale, la religieuse passe sa licence en théologie à La Sorbonne.

Sauver la jeunesse

En 1963, elle enseigne à Alexandrie à des jeunes femmes de la haute société, ce qui lui déplaît. Avec l’accord de ses supérieurs, elle scolarise les enfants démunis de l’annexe. En 1971, au Caire, elle découvre un premier bidonville de chiffonniers. Sœur Emmanuelle emménage dans une baraque au milieu des immondices. Les enfants lui jettent des pierres, les adultes lui crachent dessus. Elle ne se laisse pas intimider. Pour elle, l’éducation des petits chiffonniers est prioritaire. Elle installe une école et fait du porte-à-porte pour convaincre les parents. Les sœurs parcourent le monde en quête de dons. Elles ouvrent un premier dispensaire, une maternité, des écoles bâties en roseau, une maison de vacances au bord de la mer Rouge, une usine à compost…

Grâce aux labos européens, elles vaccinent les chiffonniers contre le tétanos. Depuis 1990, il n’y a plus eu un seul cas. «Et nous avons pu amener l’eau et l’électricité dans les bidonvilles. Les maisons ont été construites en dur.» A 85 ans, sœur Emmanuelle est forcée de prendre sa retraite dans le sud de la France. Sœur Sarah lui succède, avec trente-huit religieuses réparties sur trois quartiers de chiffonniers du Caire. Le 20 octobre 2008, sœur Emmanuelle disparaît à 99 ans. «J’ai perdu mon amie. Elle nous a permis de donner le meilleur de nous-mêmes», confie sœur Sarah. Yallah !

Cet article est paru dans le Télépro du 8/04/2021.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici