Nicole Shirer («La Minute vieille» sur Arte) : «Je ne parle pas comme ça, en général»

Nicole Shirer © Lm Productions/Bakea Produc
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Tout l’été, la capsule d’humour d’Arte prend l’accent belge avec quatre comédiennes du Plat pays, dont Nicole Shirer (79 ans). Rencontre.

La 7e saison de «La Minute vieille» sera belge, mais pas avec des blagues… sur les Belges ! Le réalisateur Fabrice Maruca aime notre accent et va raconter ses histoires drôles au travers de quatre actrices de chez nous : Janine Godivas, Nicole Valberg, Viviane De Muynck et Nicole Shirer.

Cette dernière, comédienne de théâtre, est connue au petit écran grâce à la série «Septième Ciel Belgique» (2006), au téléfilm «BXL/USA» (avec Patrick Ridremont) et à quelques pubs. La voilà blagueuse pour Arte !

Connaissiez-vous «La Minute vieille» ?

J’en avais entendu parler par mon agent en France qui m’avait proposé le casting, il y a quelques années. Déjà à l’époque, Fabrice Maruca avait envie d’intégrer une comédienne belge avec un léger accent. Mais les choses ne se sont pas faites… 

Prenez-vous un accent ici ?

Je ne parle pas comme ça en général, mais à force de le prendre pour le programme, je m’entends parler avec tout le temps maintenant. Pour un comédien, c’est une musique : on intègre très vite les accents, on les mimétise. Il y en a un difficile à reproduire, c’est le canadien. Moi, je n’y arrive pas… Un accent à une saveur, mais il ne faut pas en abuser.

Aimez-vous raconter des blagues ?

Non (ndlr : d’un ton ferme) ! Je ne les retiens pas ! On me raconte des blagues, j’en ris, et c’est tout de suite oublié.

Ici, on vous dicte le texte…

C’est la première fois que ça m’arrive, mais je savais qu’en France, ça fonctionnait ainsi. C’est difficile. Il faut une concentration de dingue. Il n’y a dès lors ni répétitions ni travail sur le texte ou d’intonation. Quand on peut interpréter un texte, on lui donne un sens. La difficulté de «La Minute vieille», c’est qu’il faut garder le même ton tout au long de l’histoire. C’est d’autant plus compliqué que j’ai un petit accent bruxellois. Or, le Bruxellois est direct dans son langage, alors que certaines phrases sont un peu alambiquées. Malgré une adaptation faite par un Belge (le comédien Michel Israël, NDLR), certains termes bruxellois ne marchent pas s’ils sont dits par une femme, sinon, on tombe dans du Brusseleer des Marolles.

Vous êtes une vraie bruxelloise ?

Non, même si je suis née à Bruxelles. Ma famille était hutoise et liégeoise. J’ai plutôt grandi dans cet environnement-là. 

Est-ce une bonne expérience ?

Toute expérience est bonne à prendre même si l’exercice est plus difficile car on ne peut pas étudier les textes, le réalisateur mise sur notre spontanéité. 

Vous parle-t-on encore de «Septième Ciel Belgique», série dans laquelle le public vous a découverte ?

C’est loin… une quinzaine d’années. Cette série a marqué le public, car elle était familiale, même les enfants regardaient. On m’en parle de temps en temps. Les gens ont regretté que ça s’arrête (ndlr : après deux saisons). Avec d’autres intrigues et un effort d’écriture, on aurait pu en faire un «Plus belle la vie». C’était une chouette expérience.

Regardez-vous beaucoup de séries à la télé ?

Très peu. Si j’en commence une, et que je suis accrochée, je dois regarder la suite. Et ça devient embêtant si je ne suis pas là lorsque ça passe. J’enregistre beaucoup, mais  plutôt des émissions ou des films. Et puis, les séries américaines, ce sont beaucoup des scène de violence. Je n’aime pas de trop. 

Pourtant, vous prêtez votre voix dans ces séries-là, non ?

Oui, c’est très différent. On ne fait que sa partie sans jamais voir le reste de l’histoire. On mimétise le personnage et on reprend son énergie. Quand on a commencé le doublage, il y a 30 ans, si on avait un rôle récurrent, on recevait la cassette du film ou de la série pour que l’on puisse connaitre son personnage. C’est fini, on va au plus vite, souvent seul au micro. J’aime beaucoup faire du doublage.

C’est votre qui voix atypique a aidé dans votre carrière ?

Je pense… Déjà petite, on me reconnaissait grâce à elle. 

Vous avez commencé votre carrière à quel âge ?

Très tard, je devais avoir 26 ou 27 ans. Les jeunes démarrent souvent à 19-20 ans. De mon époque, nos parents voulaient qu’on travaille d’abord. Je ne suis pas passée par le conservatoire, mais je jouais en amateur pendant des années. J’ai travaillé dans l’enseignement pour gagner ma vie, et puis ma maman – qui savait très bien que j’adorais le théâtre puisqu’elle m’avait inscrit dans une troupe amateure – m’a dit de prendre des cours au Théâtre des Galeries. J’ai été engagée en faisant des petits rôles ou comme souffleuse. Je ne suis pas passée par la filière du conservatoire, et j’avoue que ça me manque. Quand je vois les cours que les jeunes reçoivent, c’est autre chose que la diction et la déclamation que j’avais suivi. Je regrette ça, mais ça n’existait pas à l’époque. Je suis née trop tôt. (rires)

Jouez-vous toujours au théâtre ?

Ca fait longtemps que je n’ai plus eu d’engagement au théâtre. Il y a beaucoup plus de comédiennes que de rôles pour des femmes.

Quel regard portez-vous sur le théâtre, aujourd’hui ?

Ca fait longtemps que je n’y suis plus allée. Un peu volontairement… J’ai souvent été déçue, ces dernières années. J’ai l’impression qu’on ne prend plus soin de la distribution. On engage que ceux que l’on connait. Ca me déçoit, et me lasse aussi. Par contre, je suis récemment allée voir un spectacle fait par des personnes handicapées, et là, c’était merveilleux. On ressentait leur enthousiasme et leur spontanéité. Ils voulaient faire bien, et c’était plus que très bien…

Cet article est paru dans le Télépro du 1/7/2021

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