Passion brûlante : les soldats du feu réchauffent l’écran

Chloé Jouannet sur le tournage de «Notre-Dame brûle» © Isopix

Impressionnante et magistrale fresque retraçant le drame du 15 avril 2019, «Notre-Dame brûle», signée Jean-Jacques Annaud, sort sur les écrans, le 16 mars. Les films qui jouent avec le feu sont nombreux au petit comme au grand écran. Quels sont les risques de ces tournages ?

Du grand classique «La Tour infernale» (1974) à la minisérie événement de TF1 et Netflix, «Le Bazar de la Charité» (2019), les scènes d’incendie marquent le public, mais aussi les acteurs et équipes techniques. Bien que face à des flammes sous contrôle, tous ont vécu de vives émotions au moment crucial.

Moments très dangereux

Dans l’incendie de Notre-Dame de Paris, le réalisateur Jean-Jacques Annaud a vu «une dramaturgie implacable où tout semblait réuni pour conduire à une catastrophe inévitable.» En y posant ses caméras, le cinéaste s’est rendu compte «combien la mission de sauvetage par les pompiers a été aux limites de l’impossible». Il ajoute : «L’accumulation des dysfonctionnements était hallucinante. On se demande comment on est parvenu à sauver Notre-Dame… La nuit de l’incendie, j’étais persuadé qu’elle allait s’effondrer !» Cela fut aussi «un tournage très dangereux pour mes acteurs, car les émanations, malgré les précautions prises, étaient toxiques. Quant aux flammes en plateau, elles grimpaient jusqu’à 500 ou 600°C.»

Au cœur du brasier

Pour reproduire les scènes les plus brûlantes, des effets spéciaux minutieux ont été nécessaires: «Quand tout s’est enflammé, nous disposions d’une minute et 15 secondes avant que la chaleur et la fumée ne deviennent incontrôlables ! L’allumage du feu était opérationnel au bout de 30 secondes, il m’en restait donc 40 pour filmer la scène ! J’ai tourné avec une douzaine de caméras sous des angles différents, certaines au milieu du brasier, protégées par des boîtes en métal.» Quant aux équipes de la décoration, elles ont fait face à des contraintes folles : «Chaque flamme était alimentée par un large tuyau à puissance variable, contrôlé à distance. La couleur du feu devait être rouge, donc il fallait gérer la puissance des ventilateurs !»

Émotion, courage et foi

Même si les images sont spectaculaires, le réalisateur était persuadé que 50% de l’émotion du spectateur viendraient du… son ! «Craquements, souffle, eau: chaque élément sonore a été mis en valeur. La bande son a été conçue pour être immersive!» Le public va ainsi découvrir à quel point le travail des pompiers a été proche d’une mission suicide. De l’aveu même de l’adjudant Rémi, qui fut au cœur du sauvetage, l’urgence de la situation n’a pas donné le temps aux soldats du feu de tergiverser: «Pense-t-on au risque avant de se lancer ? Non! L’adrénaline nous pousse à accomplir la mission. L’idée d’essayer de sauver Notre-Dame avait en plus une valeur symbolique. Cette intervention marquante restera pour nous une immense fierté.» Et surtout représentative des exploits portés par le courage et la foi.

Tournage éprouvant

Pareil sentiment a aussi cueilli l’acteur Pierre Niney sur «Sauver ou périr» (2018), le film de Frédéric Tellier où il incarne un jeune soldat du feu. «Le dévouement des pompiers est impressionnant, tout comme les blessures des victimes», confiait-il à Télépro. «Voir de vrais accidents remue les tripes et amène à tout relativiser. Aux côtés des hommes du feu, j’ai appris beaucoup sur la nature humaine. Et aussi combien il est difficile de se reconstruire quand tout bascule. Puis, il y a le côté héroïque et dévoué du métier. Les risques sont omniprésents. Ce rôle a été éprouvant, intense, c’est de loin le tournage le plus passionnant que j’aie vécu!»

Réalisme saisissant

Alexandre Laurent, réalisateur du «Bazar de la Charité» (six mois de tournage, budget de 17 millions d’euros) a été, comme Jean-Jacques Annaud, sur le grill lors des prises de vue. Pour reproduire l’accident du 4 mai 1897, Yves Domenjoud, as des effets spéciaux, et le chef décorateur Hervé Gallet notaient: «Il n’y avait jamais eu de flammes de cette hauteur – jusqu’à 7 mètres ! – en studio. Elles ont permis aux acteurs de réagir plus concrètement que face à des murs vides. En revanche, le feu dégageait des gaz toxiques qu’il fallait extraire au fur et à mesure. Avec 200 figurants, qui plus est en costume, la sécurité était un défi !»

Cendres tourbillonnantes

Ron Howard a lui aussi soigné les images de «Backdraft (1991)», avec «un aspirateur inversé qui crachait fumées et morceaux de carton pour simuler les cendres tourbillonnantes.» Afin de plonger les spectateurs dans l’action, un cameraman en combinaison ignifugée a slalomé entre les flammes avec une steadicam (caméra portative stabilisée). Aux côtés de William Baldwin et Robert De Niro, Kurt Russell se souvient: «Je sentais la panique monter. Je voulais vraiment sortir de cette fumée noire. Je me suis dit que per – sonne ne pourrait me reprocher de ne pas avoir mouillé ma chemise ! J’avais presque oublié que nous tournions un film!»

Réalité aussi forte que la fiction

L’audace des acteurs dans le feu de l’action s’avère donc remarquable. Dans la mythique «Tour infernale», Paul Newman et Steve McQueen ont fait eux-mêmes leurs cascades. Newman a monté et descendu une rampe d’escalier démem – brée. McQueen, alias le chef pompier tentant de sauver les gens piégés au 135e étage du gratte-ciel, a réellement reçu des litres d’eau sur la tête. Le courage l’a même amené à aider d’authentiques pompiers quand est survenu un véritable début d’incendie sur le plateau !

Cet article est paru dans le Télépro du 10/03/2022

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