[Que sont-ils devenus ?] Eric Krol : «La télévision ne fait que des jaloux !»

[Que sont-ils devenus ?] Eric Krol : «La télévision ne fait que des jaloux !»
Pierre Bertinchamps Journaliste

Le journaliste sportif, vedette de la RTBF, a quitté les écrans il y a près de quinze ans. Installé en Suisse, Eric Krol conserve un œil avisé sur le sport à la télé.

C’est en 2001 qu’Eric Krol prend la décision d’arrêter la télé et de quitter la RTBF. «Je me souviens, la conférence de presse qui annonçait mon départ a eu lieu le 11 septembre à 14 heures», raconte le journaliste. «Le lendemain dans la presse, il y avait les attentats en une et ma photo en dernière page parce que je quittais la RTBF». Depuis Eric Krol a fait un petit crochet par AB3, mais c’est entre la Suisse et la Belgique qu’il se partage pour vivre de sa passion, le golf.

Comment êtes-vous entré à la RTBF ?

Je participais encore aux Championnats de patinage artistique et en 1985, Marc Jeuniaux me contacte pour devenir consultant sur les épreuves de patinage. C’est le moment où Arsène Vaillant prenait sa retraire. J’ai fait deux émissions avec Richard Debeir. Mais c’est en 1986 que les choses ont vraiment démarré. J’ai été envoyé en repérage à Genève pour les Championnats du Monde de patinage artistique. C’était mon premier vrai boulot de pigiste.

Vous êtes aussi l’un des visages de la nouvelle chaîne Télé 21, en 1988…

C’était une chaîne avec pas mal de sport. On faisait nos magazines et on commentait beaucoup en cabine. Marc Jeuniaux m’a demandé de faire un test pour Télé 21, un mois avant le lancement. Je me suis retrouvé devant un écran avec des times-codes, et d’autres trucs que je ne connaissais absolument pas. Je me suis dit : «Ça ne va pas le faire !» Il y avait dans cette épreuve tous les journalistes des centres régionaux qui rêvaient de débarquer à Reyers… Et j’ai été retenu.

Vous êtes journaliste de formation ?

Pas du tout. J’ai une licence en psychologie expérimentale, de l’Université de Liège. Je n’avais aucun bagage pour faire de la télé, si ce n’est les rudiments enseignés à la RTBF. Le plus drôle, c’est que j’étais téléspectateur assidu du «Weekend sportif», et du jour au lendemain, je me retrouve dans le même bureau que Roger Laboureur, Frank Baudoncq,… Cette époque-là on fumait encore au bureau, c’était bleu quand on retrait dans le local. (Rires)

Passer de consultant à journaliste vedette, ça a jasé un peu non ?

La télévision ne fait que de jaloux ! Grâce à Télé 21, j’ai été tranquille pour faire mes armes dans le reportage. L’année 1988, c’était aussi les Jeux olympiques de Séoul. Je me suis retrouvé avec Frank Baudoncq qui voulait que je présente l’émission de plateau avec lui, «Les Matins calmes». On a vécu en décalage horaire complet à l’heure de Corée. Avec Frank comme partenaire, tu en apprends tous les jours. C’est vraiment là que j’ai pris du galon. J’ai passé l’examen à la demande de la direction pour combler les départs à la retraite d’Arsène Vaillant et de Théo Mathy. Ils ont aussi engagé Gaëtan Vigneron, en plus, qui a terminé premier du test. J’étais le deuxième… Contractuellement, je remplaçais Arsène Vaillant. Quelques mois après, Rodrigo Benkeens est arrivé pour le remplacement de Théo Mathy. C’était le début de «la fine équipe» des sports de la RTBF !

La RTBF était aussi le plus grand terrain de sport ?

C’était les années en or. On a tout fait et on était partout. On avait encore le championnat belge de foot et la Champions League. Puis, Canal+ est arrivé et les choses ont changé. On est arrivé à un catalogue qui était presque devenu peau de chagrin…

C’est là que vous avez amorcé votre départ ?

Ce sont les J.O. de 2000 à Sydney qui ont été le déclencheur. En 1998, nous avions la Coupe du Monde de football en France. J’étais sur le «Journal de la Coupe» avec Marc Delire, où on a fait un carton d’audience parce que l’équipe de France logeait à Genval et qu’en plus, Aimé Jacquet était en pétard avec la presse française. La RTBF était la seule télé à avoir accès à tout, un peu par vengeance des frasques des médias français. C’est après cette année faste qu’on a nous annoncé qu’on n’aurait pas les J.O de 2000 à Sydney. Pendant mes vacances, en décembre 1998, je me suis remis en question suite à cette annonce.

Il y a eu du divertissement aussi ?

«Le Moment de vérité», avec Fred Courtadon et Jean-Philippe Darquenne, le vendredi soir, en prime time. Une super émission, mais qui n’a pas marché.

Vous avez encore des contacts avec la RTBF ? Une envie de revenir ?

Des contacts, oui, mais revenir, non. Je pense qu’il y a un réservoir de jeunes à la RTBF. Ils ne m’ont jamais rappelé. Je ne suis pas non plus toujours disponible. Et je connais un peu moins l’actualité footballistique belge, où j’ai découvert très tard que Gand était champion… Bien sûr, je regarde les matchs des Diables Rouges. Et je me dis aussi qu’il n’y a pas deux équipes comme ça au monde et qu’on est les meilleurs…

Commenter le foot vous manque ?

Surtout ce qui porte sur les sports d’hiver, oui. Si c’est pour des matchs du genre Saint-Trond/La Gantoise, peut-être moins. Les gros évènements, je dirais oui aussi. D’un autre côté, on ne m’a jamais sollicité, pourtant je suis toujours en contact avec Michel Lecomte, par exemple. Et je ne demande rien puisque j’ai un jour décidé d’arrêter. J’ai pris un congé sans solde, et après deux ans, j’ai dû confirmer ma décision.

En 2000, il y avait l’Euro de foot pourtant…

On voulait refaire le même dispositif qu’en 1998 pour le Mondial de foot, mais des voix ce sont élevées – pas du service des sports – pour que le duo ne reviennent pas. Je me suis retrouvé avec Emilio Ferrera. Au départ, j’avais laissé entendre que j’arrêterai après l’Euro 2000. Comme j’étais aussi sur les gros matchs de tennis (Justine, Kim…), je suis resté jusqu’en 2001 pour les finales de l’US Open sur place. Et dès que je suis rentré de New York, le 11 septembre, à 14h, j’annonçais que j’arrêtais la télévision pour m’installer en Suisse. C’était le début des GSM, et les SMS concernant les attentats tombaient au fur et à mesure. Présent la veille juste au bas des tours, j’ai eu un choc. J’ai mis trois mois à m’en remettre.

Qu’est-ce que vous retenez de votre passage à la RTBF ?

Une certaine liberté. Par exemple, j’étais l’un des premiers à recevoir des personnalités comme Frédérique Ries qui était venu passer une après-midi avec nous, en plateau, pendant les JO de 1992. On a aussi créé le JT de 13h avec François De Brigode. À cette période-là, on proposait un petit JT pour que les gens restent informés pendant les directs des JO de Barcelone. La RTBF m’a couvert en me disant que c’était une bonne idée. J’étais aussi le premier à présenter des duos mixtes, notamment sur le judo avec Eve-Marie Vaes (à l’époque championne de l’épreuve). À côté de tout cela, je me suis éclaté comme un fou à la RTBF. D’ailleurs, je ne suis pas parti par ras-le-bol du métier, mais parce qu’à cette époque-là, on a tout perdu…

Quelle a été la suite de votre carrière ?

J’ai dirigé une école de ski en Suisse. J’avais le rêve de passer ma licence de pilote. Je travaillais l’hiver dans le milieu du ski pour faire des provisions qui payaient mes cours de pilotages.

Et quinze ans après ?

Après pas mal de choses, dont la direction du Ballet Béjart jusqu’à la mort du chorégraphe, je m’occupe aujourd’hui de marketing, d’évènementiel et d’animation pour le plus grand employeur privé de Suisse. C’est une enseigne de la grande distribution, mais qui a des fondations qui gèrent des parcs de golf, notamment. (NDLR : Eric Krol présentait déjà un magazine sur le golf à la RTBF)

Quel regard portez-vous sur la télévision belge en 2015 ?

Je regardais «La Tribune» quand je pouvais recevoir RTBF Sat. C’est un programme que je trouve intéressant. Par contre, dans «Le Weekend sportif», je n’aime pas trop les journalistes qui arrivent mal rasés et sans cravate. On fait un métier qui va vers le public, donc on se doit d’avoir un minimum de respect… Venant de l’école de Jeuniaux, avec Frank Baudoncq et son coté british, j’ai toujours des petits chocs par rapport à ça… Sur le contenu, j’avoue que je ne m’y retrouve plus. J’ai envie de dire que les anciens collègues sont devenus des caricatures d’eux-mêmes…


Entretien : Pierre Bertinchamps

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