Thierry Beccaro : «Parler fait du bien»

L'animateur a vécu une enfance auprès d'un père violent © Isopix

Dans le cadre de la Journée internationale des droits de l’enfant, mercredi, France 2 diffuse «La Maladroite», un téléfilm avec Isabelle Carré suivi d’un documentaire inédit à 22h30. Produit par la journaliste Mélissa Theuriau, «Bouche cousue» contient plusieurs témoignages émouvants de personnes ayant connu dans leur enfance des maltraitances et notamment celui de l’ex-présentateur du jeu «Motus», Thierry Beccaro.

Vous avez été victime de maltraitance physique et psychique de la part de votre père. Quelle image gardez-vous de lui ?

Je garde l’image d’un homme pouvant se comporter comme le meilleur et le pire des papas. C’était un mec très drôle, très généreux, très bon, mais en grande souffrance. Je n’aime pas trop le qualifier de «Docteur Jekyll et Mr. Hyde», mais il possédait les deux revers de cette médaille virant, d’un seul coup, du père formidable à un être effrayant, dévoré par ses démons. Il était à fois le soleil et l’obscurité.

Avez-vous réussi à lui pardonner ?

Oui. Mais si pardonner ce n’est pas oublier, ce geste m’a permis de me délivrer de la colère, de la rancœur qui auraient pu me dévorer de l’intérieur. Or, j’estimais avoir suffisamment souffert et je me refuse à ressasser tous ces sentiments néfastes. Avec ma sœur, alors qu’il était très malade, en l’accompagnant jusqu’à son dernier souffle, je me suis senti apaisé. Je ne ressentais plus ni l’envie ni la force de lui en vouloir.

Avez-vous eu besoin d’une psychothérapie pour surmonter votre traumatisme ?

Oui et cela m’a énormément aidé. J’ai eu la chance de rencontrer un psychiatre, avec lequel je garde toujours le contact, qui m’a vraiment épaulé. C’était difficile et, je tiens à le souligner, il faut être très courageux pour entamer une telle analyse. N’oublions pas que ce genre de thérapie vous oblige à balayer la cave, le grenier et tous vos recoins les plus secrets pour essayer, au bout de dix longues années, de sortir de chez le psy avec un sac-à-dos plus léger. J’ai eu cette chance de comprendre ce qui m’était arrivé.

Comment avez-vous vécu cette analyse ?

Un enfant aime ses parents, il ne possède pas la structure psychologique pour analyser la situation. Lorsque mon père rentrait en état d’ébriété très avancé, il devenait violent. J’ai vécu cette analyse comme une enquête. Au fil des séances, comme les pièces d’un puzzle, j’accumulais des indices pour comprendre ce qui s’était passé entre mes parents pour que brusquement, une telle colère s’abatte sur moi. Mettre des mots sur les maux soulage un peu la douleur. Parler fait du bien.

À quel âge, avez-vous arrêté d’avoir peur de votre père ?

Ce n’est pas un hasard si le titre de mon livre s’intitule «Je suis né à 17 ans». Pendant des années, j’ai trimballé ma peur jusqu’au moment où j’ai commencé à travailler ce qui m’a permis d’avoir, enfin, un peu confiance en moi. Je suis content d’exercer un métier qui apporte du plaisir aux gens. Je crois que mon père en était aussi très, très heureux car, paradoxalement, c’est grâce à son intervention que j’ai été engagé à la Maison de la Radio à 17 ans. Ce père, qui me faisait tellement peur, a aussi été à l’origine de ma carrière professionnelle.

Vous qui étiez en souffrance, en tant qu’assistant de Macha Béranger sur France Inter, comment avez-vous vécu les confidences souvent douloureuses des auditeurs ?

Ce travail a été capital pour moi parce que chaque nuit, j’étais confronté à la solitude, à la détresse, la maladie de ces personnes que Macha Béranger surnommait «Les sans sommeil». Lorsque je sortais de l’émission, je pouvais comparer ma souffrance à celle des autres qui, parfois, était cent fois plus terrible que la mienne. Ce job m’a incité à cesser de ruminer ma peine et à regarder plutôt le bon côté de la vie.

Avez-vous eu peur, en devenant père, de reproduire le même comportement violent ?

C’est la très bonne question ! Le jour où j’ai appris que j’allais avoir mon premier enfant, j’ai angoissé. Je souhaitais, ardemment, que ce soit une fille car j’avais l’impression que si j’avais eu un garçon, j’aurais reproduis, avec lui, le même comportement violent de mon père vis-à-vis de moi. Aujourd’hui, je suis papa de trois enfants sur lesquels je n’ai jamais levé la main, ce qui prouve que, à condition d’avoir compris sa propre histoire, la répétition n’est pas une fatalité.

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