Psychologie : le cinéma comme outil thérapeutique !

On a tous en tête des films qui nous font du bien © Getty

Un film nous détend et nous change les idées. Mais il peut aussi avoir de réels effets bénéfiques sur le plan psychologique. Des thérapeutes proposent le 7 e art pour se sentir mieux. Cette approche porte le nom de «cinémathérapie».

Au début des années 1960, le journaliste américain Norman Cousins, atteint d’une maladie incurable de la colonne vertébrale et «condamné» par la médecine, a décidé de guérir tout seul, coûte que coûte. Il a quitté l’univers anxiogène de l’hôpital, s’est installé dans un hôtel et passait des journées entières à visionner des films comiques. Il riait tellement qu’il en oubliait ses douleurs.

En effet, le rire provoque une sécrétion d’endorphines aux effets anesthésiants. Cette longue cure de rire a permis au journaliste d’améliorer nettement sa santé. La démarche de Norman Cousins fut purement instinctive. Son expérience fut unique et exceptionnelle.

Cela dit, quelques années plus tard, des psychologues américains se sont intéressés aux effets bénéfiques du cinéma non pas pour guérir des maladies, mais pour résoudre des troubles psychologiques.

Le précurseur

Le docteur américain Gary Solomon, professeur de psychologie au College of Southern Nevada à Henderson, fut le premier à utiliser le cinéma en tant que thérapie. Sa thèse ? Les patients qui ne savent pas gérer leurs émotions peuvent en parler plus facilement au travers des films bien ciblés.

Le spécialiste choisissait les longs métrages qui reflétaient les problèmes du patient et ressemblaient le plus possible à sa situation traumatique. La thérapie «filmique» consistait à visionner une fiction et à utiliser son effet miroir. Car les films sont plus que du divertissement. Ils sont l’histoire de nos vies.

L’effet thérapeutique des fictions est connu depuis des millénaires. Selon Gary Solomon, le médium moderne du film, avec son mélange d’images et de musique, a un effet particulièrement fort, même sur le subconscient. Le psychologue a inventé le terme «cinematherapy» et lui-même fut rapidement appelé The Movie Doctor.

Les metteurs en scène et la cinémathérapie

Certains réalisateurs ont bien compris les avantages de la cinémathérapie. Leurs œuvres dégagent tant d’optimisme, d’espoir et d’idéal qu’elles ne peuvent qu’aider à vivre.

Alice Ovitz, l’héroïne de «Paris-Manhattan» de la réalisatrice Sophie Lellouche, refuse de vendre des antidépresseurs à une cliente dépressive, préférant lui prescrire à la place des comédies de sa DVDthèque pharmaceutique.

Nos deux «stars» nationales, les frères Dardenne, proclament haut et fort : «Nous filmons parce que le cinéma peut sauver des gens.»

Philippe Blasband, un autre de nos compatriotes, a choisi la fiction pour aborder la dysphasie, cette complexe maladie du langage. Regarder «La Couleur des mots», c’est accepter une autre réalité, ressentir de l’empathie et aller à la rencontre d’autrui par le prisme d’une ambiance visuelle et sonore artistique.

Le cinéma, c’est quoi ?

Le cinéma est un puissant vecteur d’émotions. Les images, chargées d’affects, nous touchent massivement, elles illuminent notre espace intérieur et changent notre façon de voir le monde. Les films nous permettent de suivre des histoires, de nous révéler des dimensions inconnues.

Comme l’écrit Nathalie Faucheux dans son livre «Cinémathérapie – Quand les films font du bien» : «Les films nous poussent à penser, à réfléchir, à prendre conscience de qui nous sommes, comme face à un miroir tendu… Ils aident à remettre les choses en perspective et le but ultime est alors de ressentir, d’éprouver un sentiment de paix intérieure.»

Le cinéma nourrit nos perceptions. Il nous donne des idées, stimule les sens et l’intelligence. Il agit en nous et nous fait agir. En explorant des recoins de l’inconscient, il peut guérir de blocages qui sont à l’origine d’une souffrance. Il nous permet de trouver des solutions à nos problèmes, des réponses à nos questions. Bref, il peut être thérapeutique pour nous tous.

Cinémathèque perso

Nous sommes tous confrontés, à un moment de notre existence, à un coup de blues, un échec amoureux, un moment de solitude ou de découragement. La solution ? Se confectionner sa propre DVDthèque. Selon les circonstances, on va y puiser des films tels des «médicaments» qui vont soulager un temps.

Une cinémathérapie peut aussi être envisagée comme un moment de développement personnel. Pour tirer les meilleurs bénéfices d’un long métrage, il faut se poser des questions après le visionnement. Le film a-t-il touché ou non des points sensibles, positifs ou négatifs ? Il s’agit d’y réfléchir et d’essayer de comprendre pourquoi.

Un film n’est pas une baguette magique et ne résout pas tous les problèmes, mais visionné au bon moment, il peut aider à ouvrir les portes émotionnelles, à trouver son propre chemin grâce aux multiples pistes, à offrir de l’espoir ou de l’encouragement.

Le best of

Parmi les films «guérisseurs» qui apportent de belles valeurs, voici quelques pistes : «La Maison du lac» de Mark Rydell (1981) peut améliorer les relations entre les enfants adultes et les parents âgés. «La Vie est belle» de Roberto Benigni (1997) est un conte philosophique qui mène de la dépression à la joie de vivre. «Gladiator» de Ridley Scott (2000) transforme la vengeance en pardon et la colère en paix. «Chantons sous la pluie» de Stanley Donen (1952) nous confirme que croire en la vie, c’est possible. «Tootsie» de Sydney Pollack (1982) réveille le potentiel qui se cache en chacun de nous. «Talons aiguilles» de Pedro Almodóvar (1991) permet de se réconcilier avec sa mère. «Ensemble, c’est tout» de Claude Berri (2007) nous ouvre aux autres et nous redonne la force d’avancer.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 28/5/2020

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