Maria Casarès : passions, risques et… Albert Camus

Maria Casarès © Getty Images

La grande dame du théâtre, égérie du 7e art des années 1940 et amante d’un mythique écrivain, s’est illustrée par sa persévérance. Ce vendredi à 23h05, France 5 dresse son portrait dans le documentaire «Maria Casarès et Albert Camus, toi, ma vie».

Lorsqu’on lui demanda à l’école ce qu’elle voulait plus tard, Maria Casarès (1922-1996) répondit : «Chanteuse, pleureuse ou danseuse». Son sens de la dramaturgie en a fait une remarquable actrice et son caractère obstiné, une femme résiliente.

Fuir le bonheur

Enfant non désirée de Gloria et Santiago Casarès, ministre espagnol, Maria, née en 1922, grandit dans un cocon atypique avec une demi-sœur, Esther, fruit d’autres amours paternelles. «Son enfance dans un contexte politique menacé par le franquisme et une vie familiale bohème ont forgé sa personnalité», note Anne Plantagenêt, auteure de «L’Unique – Maria Casarès» (éd. Stock). «Maria adorait son père libéral et très cultivé, et a, à la fois, admiré et envié sa mère.» La guerre civile les sépare : Santiago part à Londres ; Gloria, Esther et Maria fuient à Paris. La comédienne dira dans ses mémoires : «Après cet exil, à 14 ans, j’ai décidé de rompre avec le passé et de ne pas revenir en Espagne avant la mort du dictateur Franco.»

Trop sauvage

En France, Maria croise un compatriote, l’acteur Pierre Alcover. Il l’oriente vers le théâtre. Mais ses professeurs critiquent son accent et son attitude «trop nerveuse et trop sauvage». Mue par le désir de ne jamais renoncer, elle travaille la langue de Molière jusqu’à la perfection. Ensuite, elle puise dans ses souffrances une émotion telle que le théâtre et le 7e art la sollicitent. À 20 ans, la voilà tragédienne sur les planches et à l’écran, muse de Marcel Carné («Les Enfants du paradis») et Jean Cocteau («Orphée»). Maria Casarès ne cache pas sa préférence pour le théâtre : «Au cinéma, il n’y a ni danger ni risque, alors qu’à chaque représentation scénique, revient la virginité du premier jour.» La star joue aux États-Unis, à Broadway, et dans toute l’Europe. Sauf en Espagne, toujours sous dictature.

Furieux désir

L’artiste rencontre une autre passion en 1944 : Albert Camus, écrivain, journaliste militant et dramaturge. Bien que marié, l’auteur de «La Peste» et de «L’Étranger» tombe follement amoureux de «la» Casarès. Leur liaison fougueuse restera clandestine jusqu’au décès de Camus en 1960. Mais l’on découvrira la force de leurs liens dans 865 lettres publiées par la fille du Prix Nobel de littérature (1957), Catherine Camus, en 2016 («Correspondance – 1944-1959», éd. Gallimard). «Nous nous sommes reconnus, nous nous sommes abandonnés l’un à l’autre», écrit Maria. «Rien ne peut nous surprendre ni nous séparer», répond son amant. «Je ressens pour vous la patience infinie de l’amour, l’impatience furieuse du désir.» En 1976, vingt ans avant son décès, nourrie par une vie hors normes, la dame renouera avec son pays natal. Et déclarera : «Vivre, c’est ressentir, jusqu’à la mort, tous les âges, sans amertume.»

Cet article est paru dans le Télépro du 1/2/2024

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici