Concert du Nouvel An à Vienne : une immuable mélodie

Alice Kriescher Journaliste

L’édition 2024 est à découvrir ce lundi à 11h15 sur La Une et France 2.

Depuis 1939, pour l’An Neuf, Vienne et son orchestre philarmonique font vibrer les amoureux de la musique classique.

Créé à l’occasion du passage de l’an 1939 à 1940 et diffusé à la télévision depuis 1958, le concert du Nouvel An de Vienne est l’événement de musique classique le plus suivi au monde, avec une moyenne de près de 100 millions de téléspectateurs répartis dans 90 pays.

Strauss aux commandes

Décembre 1939. Le tout premier concert du Nouvel An de Vienne est mis sur pied alors que l’Autriche traverse l’un des chapitres les plus sombres de son histoire. Un an auparavant, le pays a été annexé à l’Allemagne d’Adolf Hitler. À l’aube de la nouvelle année 1940, il est décidé qu’un concert se tiendra le 31 décembre pour le «Kriegswinterhilfswerk», une campagne annuelle du parti nazi visant à soutenir des actions de bienfaisance… Le peuple autrichien a besoin de gaité dans cette atmosphère hostile. Pour ce faire, quoi de mieux que les polkas joyeuses de Johann Strauss fils ? Une dynastie de musiciens qui restera, à partir de ce jour, tout à fait indissociable du célèbre concert annuel.

Incontournables et exceptions

Depuis 1939, l’adresse du fameux concert est la même : la Salle dorée du Musikverein de Vienne, réputée pour avoir la meilleure acoustique au monde. Si les chefs d’orchestre sont susceptibles de changer d’une année à l’autre et d’apporter leur touche personnelle au répertoire, il existe un moment inchangé depuis des décennies : les deux rappels en fin de programme. «Deux compositions légendaires auxquelles tout le monde s’attend : «Le Beau Danube bleu», de Johann Strauss fils, lors duquel le chef adresse les vœux de l’orchestre, et la «Marche de Radetzky», de Johann Strauss père, pour faire applaudir en cadence le public», indique Radio France. «Une règle inébranlable, avec néanmoins une exception en 2005, lorsque Lorin Maazel décide de finir le concert après «Le Beau Danube bleu» afin de rendre hommage aux victimes du séisme et du tsunami dans l’océan Indien le 26 décembre 2004.»

Triste rengaine

En 2013, une commission indépendante d’historiens a été chargée d’enquêter sur l’implication du concert dans la politique culturelle des nazis. «L’Orchestre philharmonique de Vienne s’est transformé en repaire de musiciens nazis», détaille le rapport des historiens. «Selon les recherches, six musiciens juifs de l’Orchestre philharmonique ont été assassinés et dix déportés vers les camps d’extermination», poursuit Radio France. À la suite de ces accablants constats, l’orchestre a décidé d’assumer son passé trouble en retirant les distinctions remises par ses responsables à de nombreux dirigeants nazis lors des années 1950 et 1960.

Le saviez-vous ?

  • Aucune femme n’a dirigé le concert du Nouvel An. En janvier 2023, le président de l’orchestre viennois a déclaré à la presse : «Nous aurons une cheffe lorsque le temps sera venu», estimant le programme «très complexe à diriger»…
  • C’est en 1997 seulement qu’une femme, la harpiste Anna Lelkes, intègre pour la première fois l’ensemble de l’Orchestre de Vienne. En 2017, il y avait quatorze musiciennes sur un effectif de 148.
  • Pour faire partie des quelque 1.700 veinards qui assistent au concert, deux possibilités : être issus d’une grande famille autrichienne et avoir reçu un abonnement en héritage, ou être tiré au sort lors de la loterie organisée pour l’occasion, un an à l’avance. Même si vous êtes chanceux, il faudra tout de même mettre la main au portefeuille : comptez entre 20 et 1.200 €, selon la date (des concerts se tiennent aussi le 30 et le 31 décembre, mais le plus prisé reste celui du 1 er janvier) et la place attribuée.

Cet article est paru dans le Télépro du 28/12/2023

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici