Gregory Peck : gentleman philanthrope

© French Connection Films

Devenu acteur par hasard, il a marqué le 7e art avec des rôles légendaires et plusieurs films engagés. Portrait à découvrir ce dimanche soir sur Arte.

Il y a vingt et un ans, Gregory Peck tirait sa révérence à 87 ans, fragilisé par une bronchopneumonie. L’un des plus élégants acteurs de l’âge d’or du cinéma américain laissait cinq enfants issus de deux mariages, mais aussi des fictions de qualité passées à la postérité. Notamment «Du silence et des ombres», de Robert Mulligan, où il était Atticus Finch, un avocat défendant un homme noir trop vite accusé de meurtre. Ce rôle lui a valu un Oscar en 1962. Et en 2003, l’American Film Institute a désigné le personnage de Finch comme le plus grand héros de l’histoire d’Hollywood.

Aristocrate enchanteur

«Il était le dernier des aristocrates du vieil Hollywood, période qui nous a enchantés et nous manque», avait alors déclaré Frank Pierson de l’Académie des arts et des sciences. Pourtant, rien ne prédestinait Eldred Peck (son vrai nom) à une carrière à l’écran. Fils d’un couple très tôt divorcé, il avait été placé chez sa grand-mère puis en pension. Une expérience dont il disait : «J’avais compris que je devrais me débrouiller seul dans la vie.»

Devenu étudiant à Berkeley, le jeune homme élancé traverse un jour le campus et est repéré par un prof de théâtre en quête d’un participant de grande taille pour une pièce. Eldred bluffe tout le monde sur scène et on l’encourage dans cette voie. Le voilà parti pour New York, à la recherche de rôles à Broadway. Sans le sou, le débutant dort à Central Park. Enfin remarqué par le 7e art, il tourne des westerns. Mais s’en lasse. «Je voulais aborder plein de registres différents», dit celui qui rêve de films en phase avec sa droiture morale.

Duo magique

Le comédien trouve satisfaction avec «Le Mur invisible», fiction sur un sujet délicat peu de temps après la Shoah : l’antisémitisme. Gregory y est un journaliste se faisant passer pour juif afin d’observer les réactions de son prochain. Ce récit signé Elia Kazan décrochera l’Oscar du Meilleur film en 1948. Trente ans plus tard, Peck incarnera Josef Mengele, médecin allemand qui se livra à des expériences in vivo sur les prisonniers des camps, dans «Ces garçons qui venaient du Brésil». Un rôle controversé via lequel il a voulu dénoncer le nazisme.

Son physique séduisant et sa voix virile posée lui donnent aussi accès à des longs métrages romantiques,
comme le célèbre «Vacances romaines» (William Wyler, 1953), où une débutante, Audrey Hepburn, est sa partenaire. Prévenant, Gregory veille sur sa protégée en plateau et pressent un immense talent. Si bien
qu’il demande à la production de mettre le nom de l’actrice en haut de l’affiche avec un lettrage aussi grand que pour le sien. Ce duo magique reste ami pour la vie, partageant un même combat : les œuvres
humanitaires.

Humble et digne

Le héros de «Moby Dick» (John Huston, 1956) collecte des dons caritatifs et dirige notamment le Fonds de secours pour le cinéma et la télévision qui loge les travailleurs du 7e art en retraite. Le président Lyndon B. Johnson lui décerne la Médaille de la Liberté, plus haute distinction civile, et déclare : «Gregory
Peck apporte une nouvelle dignité à sa profession.»

Contrairement à certains de ses homologues, la star humble ne redoutera pas la vieillesse. «J’aime les saisons de la vie. Je ne suis pas obsédé par l’âge», dit-il au crépuscule de son existence. «J’ai été sacrément chanceux. Je ne suis pas rongé par des frustrations, des ambitions non réalisées ou mes défauts. Je ne leur permets tout simplement pas d’entrer.»

Cet article est paru dans le Télépro du 2 mai 2024.

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