Thibaut Roland : «L’info restera un pilier essentiel de LN24 !»

Thibaut Roland © LN24
Pierre Bertinchamps
Pierre Bertinchamps Journaliste

Pour sa première rentrée, le nouveau directeur des programmes de LN24 fait évoluer la chaîne « tout info ».

De l’info sur LN24, il n’y en aura plus beaucoup : plus de JT, de flashs, de directs en cas de grosse actu… Seuls subsistent la matinale de LNRadio et un talk en fin de soirée qui analysera ce qui s’est passé dans la journée.

La nouvelle mouture de LN24 vise à devenir une « petite généraliste » avec de nouvelles thématiques comme la fiction, le jeu, le témoignage, le divertissement, le sport ou les grands événements. « Quand je suis arrivé, je me suis dit que ce n’était déjà plus vraiment une chaîne d’info », explique Thibaut Roland qui a pris ses fonctions le 1er juillet dernier. « Les programmes d’info démarraient à 17h30 jusque 22h, en semaine, et il n’y en avait pas le samedi et le dimanche. »

Il n’y aura plus d’actu sur LN24 ?

La promesse d’une chaîne tout info, c’est la continuité. Si vous ne tenez pas cette promesse-là, faites autre chose… Ça ne veut pas dire que l’info n’existera plus, et ça restera un pilier essentiel. LN24 n’a pas non plus les correspondants en régions pour faire du « breaking News », à la BFM TV. Et le modèle d’opinion comme le fait CNews, nous n’en avons pas envie, et nous n’avons pas le réservoir de personnalités en Belgique pour ça. Sur base de ces constats, la promesse d’une vraie chaîne d’info n’est pas tenable économiquement. Certains l’ont vite remarqué, au début ; d’autres ont tout de même insisté. Ne renions pas ce qui a été fait et même bien fait, mais élargissons l’offre.

Est-ce qu’il y a une place pour une télévision généraliste de plus ?

Oui, il y a une place si on a des produits identitaires très forts. L’idée est d’avoir des programmes de flux et des fictions qui amènent un public plus large, mais aussi des productions propres. Et c’est ce qui manque aux autres télés généralistes comme AB3 ou Tipik, qui n’ont pas de véritables rendez-vous quotidiens. Ils ont des rendez-vous hebdos très forts, mais pas de signatures quotidiennes. LN24 en aura au minimum deux. C’est notre différence.

Et la numérotation ?

C’est un vrai combat. Mais si je reprends AB3, par exemple, ils sont classés sur le canal 21 chez Pickx, et ça ne les empêche pas d’avoir une part de marché supérieure à celle de LN24 aujourd’hui (qui se trouve au numéro 18, NDLR). On va prendre notre bâton de pèlerin pour défendre notre cause, notamment chez Orange TV, où nous sommes à la 90e place (dans le bloc des chaînes d’info, NDLR). Une chaîne qui malgré tout investit plus que les autres dans la production locale, on pourrait faire mieux…

Quatre piliers

Quel est l’objectif ?

L’audience se gagne en gouttes et se perd parfois en litre… L’idée est d’abord de créer une tendance positive et surtout, avec ce que le sport a déjà réussi à faire, d’amener des gens sur LN24 qui n’étaient jamais passés avant. Nous voulons qu’il y ait plus de personnes qui passent sur notre chaîne de façon régulière. Après, à nous de les garder et de les capter… Avec la précédente version de LN24, le profil des téléspectateurs fidèles était très ciblé et plutôt bruxellois. Le sport a fait venir 300.000 personnes sur la chaîne, alors qu’avant, ils ne nous connaissaient même pas. Avec de la fiction, des magazines et des nouveautés, on doit réussir à attirer le public, et le conserver avec nos productions propres.

Comment définir la « nouvelle » LN24 ?

LN24 a été conçu sur quatre piliers : le direct qui nous permet de nous distinguer des plateformes avec le sport et de l’événementiel en prime time ; la nostalgie et le patrimoine, et on va en jouer avec les fictions de l’après-midi comme « Navarro », « Une femme d’honneur » ou les dîners de Thierry Ardisson dans « 93, faubourg Saint-Honoré » ; le témoignage ou le fait de donner la parole aux gens, au travers de « Ça commence aujourd’hui », « Tout le monde veut prendre sa place » ou même « 100% belge » ; et l’innovation et les nouveaux formats. On ne pourra pas acheter les nouveaux concepts du MIP (le salon des programmes télé, à Cannes, NDLR), mais l’émission « Seul contre tous » (avec comme premier invité, Georges-Louis Bouchez), c’est ça… Un programme qui n’est pas vu ailleurs en Belgique, et qui peut entrer dans nos coûts de production. Et on va en créer d’autres comme « Le Match de l’année » où les présidents de parti sont transformés en coaches de foot.

Belge malgré tout

Quelles seront ces nouvelles productions quotidiennes ?

En semaine, à 18h, je présenterai, « 100% belge », un talk-show avec des visages déjà connus comme Carol Zanin, Fabrizio Bucella,… Contrairement à ce que je faisais cet été dans « Ça se passe chez vous », ce ne sera plus que de l’opinion, les chroniqueurs apporteront de l’info, du conseil, de l’éclairage… On va y raconter la vie des Belges et ce qui se passe chez eux, tout en leur donnant les clés pour résoudre des problèmes. Si on parle des droits de douanes, ce que Ursula von der Leyen et Donald Trump se sont dits, ça ne m’intéresse pas, je vais plutôt parler des conséquences concrètes comme les dix objets du quotidien qui vont voit leur prix augmenter, par exemple. L’autre rendez-vous, c’est « Le Monde ou rien », à 22h. Là ce sera de l’approfondissement de l’actualité. On arrive plus tard que les grands JT, et on va s’adresser à un public qui a envie d’actu autrement. Là, il y aura de la valeur ajoutée grâce au duo composé de Nicolas Pipyn et Jim Nejman.

Et en prime time ?

On va créer des rendez-vous différents chaque soir, que ce soit des séries avec « Profilage » (lundi), « Section de recherches » (mercredi), un rendez-vous magazine criminel  le mardi, de l’histoire le vendredi, et à termes on va proposer une émission immobilière. Chaque soir, il y aura une couleur différente, avec des marques déjà identifiées dans l’inconscient des Belges. Si nous devions produire, tous les soirs un prime time propre, nous allons vite nous essouffler. Par contre, nous proposerons des événementiels.

Vous ne craignez qu’on vous reproche de tout acheter à la France ?

Je ne connais pas beaucoup d’autres chaînes qui ont trois heures de productions locales par jour. Et on garde, après 23h, les rendez-vous plus affinitaires comme « Les Pros de l’éco », « Parlons Cash », « Planète Trump (qui remplace « Bonsoir l’Amérique »), « Football Total » ou « Les Visages de la recherche »… Je ne vois que La Une qui peut rivaliser en volume d’heures de production locale. Je trouverais assez ingrat de nous reprocher qu’il n’y a « que » de l’acquisition. Il y a un équilibre dans notre grille.

Ce ne sera pas «son » émission, et Georges-Louis Bouchez n’en sera pas l’animateur.

« Georges-Louis Bouchez, seul contre tous » fait déjà polémique. Que répondez-vous à ses détracteurs ?

Ce sera à nous de bien communiquer à ce moment-là. On est encore loin de la diffusion prévue en novembre. Ce ne sera pas «son » émission, et Georges-Louis Bouchez n’en sera pas l’animateur. Ce ne sera pas non plus une tribune puisque, face à lui, il y aura les opposants les plus costauds – et c’est notre ambition – qu’il n’aura jamais rencontré sur un plateau de télé. Avec un effet de surprise puisqu’il les découvrira en entrant sur le lieux de tournage, et par ailleurs, les sujets ne seront pas connus de Bouchez, alors que ses opposants auront eu le temps de les préparer. Le président du MR sera mis dans la position la plus inconfortable d’un débat qu’il aurait pu connaître jusqu’ici. La nouveauté vient là. Mais j’admets qu’on devra faire œuvre de pédagogie pour expliquer que ce n’est ni son programme, ni sa chaîne. En adaptant ce format qui vient de Paris Première, en France, que ce soit lui le premier intervenant, je ne voyais pas d’autre personnalité qui, aujourd’hui, donne à ce point le tempo de toutes les discussions que ce soit « pour » ou « contre » lui. Il donne le « la » en Belgique francophone. Et nous avons envie de faire d’autres formats avec d’autres personnalités politiques, mais pour « Seul contre tous », il y avait une évidence.

La politique autrement à la télé

Est-ce compliqué d’attirer les hommes et les femmes politiques à la télé pour « autre chose » que ce qui parle directement de leur métier ?

Je ne sais pas si c’est compliqué, mais il y a, du côté francophone, une forme d’autocensure et une responsabilité des médias de ne pas mélanger les genres. C’est une ligne très claire du service public où ils veulent que l’information politique soit traitée avec sérieux, et je trouve ça noble et légitime de leur part. Nous, nous pensons qu’au travers d’un format innovant, on peut faire œuvre de pédagogie et de démocratie. Ce sera une émission de deux heures, avec à chaque fois, 30 minutes devant chaque opposant. C’est rare à la télé… Qui donne autant de temps pour entrer au cœur d’une question ? Et le format peut interpeller, mais ceux qui vont le regarder seront mieux renseignés et informés sur les positions des uns et des autres. Parler de politique autrement, c’est la clé ! Un débat classique du mercredi soir comme « QR », il n’y a de la place que pour une émission comme ça dans notre paysage. Les autres ont déjà jeté l’éponge… Essayons d’innover. Je crois beaucoup à la formule de Bruno Patino, Vice-Président d’ARTE (et anciennement à France Télévisions et Radio France, NDLR) : si on veut faire entrer des sujets de fond, nous avons intérêt à utiliser des chevaux de Troie, en utilisant les codes du divertissement au service d’une info qui, sans ça, seraient rejetés ou ne trouveraient pas leur public.

Vous prenez un risque avec les « 93, faubourg Saint-Honoré » de Thierry Ardisson. C’est très franco-parisien…

C’est un type de conversation que l’on n’a plus l’habitude d’entendre à la télévision, aujourd’hui, et il y a une certaine nostalgie de ça. C’étaient des moments où on n’avait pas peur de s’envoyer des vérités au visage, quitte à être parfois un peu cru, mais au moins, on évitait un côté lisse et poli. À la fin, on se tapait sur l’épaule et tout le monde était toujours ami. Oui, il y a l’envie de retrouver cette télé-là, sans aller jusqu’à dire que c’était mieux avant. Si on peut avoir le meilleur de l’ancien et le meilleur du nouveau…

Interview : Pierre Bertinchamps

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