«West Side Story» : un Spielberg en-chantant

Soixante ans après Natalie Wood et Richard Beymer, Ansel Elgort et Rachel Zegler incarnent les amoureux maudits Maria et Tony © Twentieth Century Fox Film Corporation

Fasciné depuis l’enfance par cette comédie musicale, créée à Broadway en 1957 et portée à l’écran en 1961, le cinéaste s’est offert quelques frayeurs durant le remake. À découvrir ce mardi à 20h sur RTL plug.

Classique du 7e art, «West Side Story» reprend les «Roméo et Juliette» de Shakespeare, en les situant à New York où s’opposent les Jets, groupe de Blancs, et les Sharks, gang de Portoricains. Au milieu de cette rivalité, Tony, ex-Jet, et Maria, soeur de Bernardo, chef des Sharks, tentent de s’aimer… Mise en scène par le chorégraphe Jerome Robbins, sur la musique de Leonard Bernstein, la fiction avait gagné dix Oscars. Autant dire que Steven Spielberg, fan d’oeuvres dansantes et de Busby Berkeley (créateur de comédies musicales sophistiquées des années 1930) a pris de gros risques pour l’adapter au XXIe siècle.

La peur, un carburant

Réprimandé par son père lorsqu’à 10 ans, il fredonnait des airs de «West Side Story» à table, le cinéaste n’a jamais écarté son envie de comédie musicale. S’essayant dans «1941» (1979) et «Indiana Jones et le Temple maudit» (1984) à des scènes chantées et chorégraphiées, Steven Spielberg a failli faire de «Hook ou la revanche du capitaine Crochet» (1991), un musical. «Je me suis dégonflé au début du tournage !», avouera-t-il au Guardian. «J’ai écrit d’autres scénarios musicaux que j’ai abandonnés ! Mais à un moment, j’ai voulu avoir le courage de mes convictions !» Quand il prépare le remake de «West Side Story» (2021) avec le scénariste Tony Kushner, celui-ci révèle : «Steven aime se faire peur et tenter des choses a priori inaccessibles !» L’intéressé confirme : «J’ai une anxiété saine. La confiance est mon ennemie et la peur, mon carburant.»

Plans vertigineux

Le cinéaste veut de vertigineuses images et déplace le numéro «America», jadis tourné dans des studios recréant les toits de la Big Apple, dans les vraies rues new-yorkaises. Mêlant gros plans et panoramiques, il utilise si souvent des grues pour suivre danseurs et figurants que son équipe, stressée par la logistique et les treize jours de prises de vues, le surnomme «Steven Crane» (Steven la grue).

Le passionné souhaite aussi mettre l’accent sur les contextes historique, socio-économique et politique, «afin d’explorer le rôle de la pauvreté dans la vie de ces jeunes des quartiers». Il n’élude pas non plus la question du racisme en choisissant des acteurs de couleur, alors que dans la version initiale, Natalie Wood (Maria) et George Chakiris (Bernardo), respectivement américaine et grec, étaient passés par des séances de bronzage et de maquillage mat. Ariana DeBose (la nouvelle Anita) s’en réjouit : «J’ai dit à Steven : « Si vous n’êtes pas intéressé par mon côté afro-latin, laissez tomber ! » Mais il n’avait aucun problème avec ça !»

Joie et partage

Dans un souci d’authenticité, Spielberg engage comme actrice dans le rôle de Valentina, mais aussi comme consultante et productrice exécutive, l’exubérante nonagénaire Rita Moreno qui fut Anita dans le premier film. Revenir dans l’aventure soixante ans plus tard l’a à la fois bouleversée et ravie : «Les jeunes acteurs et danseurs s’asseyaient autour de moi et écoutaient mes souvenirs ! Il n’y a pas eu une semaine sans que quelqu’un ne parle ou partage. La nouvelle version de la séquence « America » m’enthousiasme. C’est tellement joyeux grâce aux voisins et aux petits enfants qui dansent ! C’est redevenu emblématique d’une manière différente !»

Cet article est paru dans le Télépro du 04/01/2024.

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