Animaux et aéroports une cohabitation délicate

Un dresseur d’une société de fauconnerie tient un faucon alors qu’un avion décolle de l’aéroport international de Porto Alegre au Brésil © Getty Images

De nombreux oiseaux mais aussi des renards ou des lapins élisent domicile aux abords des pistes. Pas question que la sécurité batte de l’aile !

Le spectacle peut paraître étrange. Un véhicule se déplace sur le tarmac de l’aéroport. Il est muni de larges diffuseurs. Ce qui frappe, ce sont les sons que ceux-ci émettent : des cris d’oiseaux. Ceux d’un rapace qui s’apprête à fondre sur sa proie ? Ceux d’un volatile effrayé qui cherche à s’enfuir au plus vite ? Mystère. Toujours est-il que là où le véhicule passe, des volées entières prennent leurs ailes à leur cou et s’écartent de la piste. Trèfles, graminées en tout genre, petits rongeurs : l’endroit est très prisé. Et pas uniquement par les oiseaux. Leur présence peut être fâcheuse pour les avions. C’est pour cela qu’on tente de les éloigner.

Péril animalier

Lapins, renards, campagnols, hérissons, chevreuils, étourneaux, rapaces… : les aéroports abritent une biodiversité insoupçonnée. Malgré le bruit assourdissant et l’activité incessante, ils ont élu domicile dans les prairies, les champs ou les forêts qui entourent les pistes. Quand ce n’est pas sur le site lui-même. Une situation qui n’est pas sans représenter un certain danger. Les oiseaux, principalement, peuvent être aspirés dans les moteurs des avions au décollage ou à l’atterrissage. C’est ce qu’on appelle le «bird strike», le péril aviaire, les collisions entre oiseaux et avions. L’année dernière, Skyes, l’entreprise publique autonome chargée du contrôle du trafic aérien en Belgique, a signalé 400 incidents de ce type. Des incidents impliquant des oiseaux mais aussi d’autres animaux. «Des lapins ou des fouines s’aventurent dans l’enceinte de l’aéroport avant de parfois se faire aspirer par le moteur des avions.» Les chiffres ont pratiquement doublé en un an. «D’abord parce que les vols étaient interdits pendant la pandémie», expliquent les responsables de l’entreprise. «Mais aussi parce que les animaux ont eu carte blanche dans les aéroports durant cette période. Ils doivent donc réapprendre à se tenir à l’écart.»

Arsenal

Aux aéroports de Liège et de Charleroi, le péril animalier est géré par la cellule Safety Management System (SMS) de la Région wallonne. Frédéric Dossin est manager d’environnement à Liège Airport. «Le but est de faire en sorte que l’endroit soit le moins attractif possible pour les espèces qui peuvent engendrer des problèmes.» Il faut donc tondre les zones herbeuses à une hauteur bien particulière, ni trop haute (pour éviter que l’endroit serve de refuge à certains animaux qui attirent des oiseaux de proie), ni trop basse (pour éviter d’attirer trop les oiseaux). L’effarouchage (diffusion de cris d’oiseaux en détresse ou de prédateurs) est aussi utilisé. «Mais ça ne marche pas toujours, car certaines espèces comprennent vite qu’il s’agit d’une supercherie. » Tout comme les pétards ou les canons à air comprimé. «Dans certains cas, les agents de la cellule SMS peuvent être contraints d’abattre les animaux qui poseraient problème, en respectant toutes les normes de sécurité.»

Incidents très rares

L’attirail pour lutter contre le péril aviaire ne cesse de s’étoffer. Certains aéroports ont par exemple recours à des drones, à des faucons ou à des fusées pyrotechniques. Les dangers, réels, restent toutefois très limités. Selon le site Dataero.fr, le taux d’incidents dits «sérieux» est d’environ 3 pour 100.000 mouvements d’avions. À Liège Airport, Frédéric Dossin se souvient de l’un d’entre eux : «Le réacteur de l’avion avait été endommagé (c’est très cher) et le décollage interrompu. Mais c’était il y a très longtemps et c’est extrêmement rare.»

Riche biodiversité

La biodiversité n’en demeure pas moins une richesse peu connue des aéroports. Les services de zoologie et de biologie de l’université de Liège viennent d’ailleurs de consacrer une étude à ce sujet sur le site de Liège Airport. Les résultats seront connus en octobre. «Des orchidées et des insectes rares cohabitent avec des lièvres, des mulots, des musaraignes», décrit Jessica Tahiraj, environnemental officer de l’aéroport. «Près d’un bassin de décontamination, on aurait entendu des crapauds calamites. Il a même fallu faire une battue pour repousser des chevreuils loin des pistes.» L’aéroport liégeois attire décidément beaucoup de visiteurs inattendus.

Cet article est paru dans le Télépro du 10/08/2023.

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