Archéologie : temple d’Artémis, jeu de piste antique

Le travail de fourmi se poursuit pour mettre au jour les précieux vestiges antiques © Arte/Climage
Alice Kriescher Journaliste

La localisation du sanctuaire d’Artémis, à Amarynthos, en Grèce, est longtemps restée une grande énigme archéologique. Ce samedi à 22h20, Arte diffuse le documentaire «Artémis, le temple perdu».

La recherche du temple de la déesse Artémis a passionné les archéologues du monde entier durant de longues années. Alors qu’un vaste «Artémision» est évoqué dans de nombreux textes anciens, ce dernier reste, durant tout le XXe siècle, introuvable.

Un temple dans une botte de foin

Nous le savons, durant l’Antiquité, pour adorer correctement un dieu ou une déesse, il fallait le lui prouver à renfort d’édifices fastueux. En la matière, Artémis la chasseresse fut gâtée. À Éphèse, en Turquie, l’un des temples dédiés à la sœur jumelle d’Apollon, redécouvert en 1869, était même la quatrième des Sept Merveilles du monde. Mais, pour une telle figure, un seul lieu de culte ne suffisait pas !

Dès le début du XIXe siècle, grâce à différentes sources grecques et latines, les archéologues ont la certitude que les vestiges de l’un des monuments sacrés les plus importants sont quelque part sur l’île d’Eubée. Plus précisément, un sanctuaire à la gloire d’Artémis où, selon les écrits, l’on se rassemblait chaque année pour assister à la fête des Artémisia donnée en l’honneur de la déesse protectrice de la ville antique d’Érétrie.

«Aux dires du géographe et historien grec Strabon (60 av. J.-C. – 20 ap. J.-C.), celui-ci se trouvait à environ sept stades, soit un peu plus d’un kilomètre, des murs de la cité d’Eubée», relate l’historien Vincent Monnet, de l’université de Genève. «Les sondages effectués dès le début du XXe siècle dans ce périmètre, notamment par des équipes américaines, n’ont cependant livré aucun résultat probant.»

Indiana Knoepfler

Dès le début des années 1970, l’épigraphiste, spécialiste des textes anciens, Denis Knoepfler, d’origine suisse, en a la certitude : «Ces échecs répétés sont peut-être dus à l’erreur d’un copiste au moment où les nombres écrits en chiffres grecs ont été transcrits en lettres alphabétiques byzantines», poursuit Vincent Monnet. «Il en conclut que le texte original de la Géographie de Strabon devait mentionner une distance de 60 stades et non de sept.» Une hypothèse qui sera alors envisagée comme plausible par une équipe d’archéologues gréco-suisses en… 2007 !

Cinq ans plus tard, après des fouilles plus importantes, l’équipe met enfin au jour d’importantes traces antiques à l’endroit suggéré par Denis Knoepfler, quarante-deux ans plus tôt. Mais pour que le lieu soit officiellement déclaré comme étant un temple à la gloire d’Artémis, il faut plus de preuves. En 2017, le portique du sanctuaire est repéré et divers bâtiments attestent qu’il s’agit d’un endroit plus important qu’un simple lieu de sacrifice. «Des objets de cultes et surtout des tuiles frappées du sceau «Artemidos» prouvent aussi qu’il y avait en ces lieux des bâtiments dédiés à la déesse», explique la chaîne suisse RTS.

Travail de fourmi

Et depuis 2017 ? Le travail se poursuit et pour chaque trésor exhumé, sur les 5.000 mètres carrés fouillés, la tâche est longue et minutieuse. «On peut comparer cela avec la série «Les Experts»», explique Sylvian Fachard, directeur de l’École suisse d’archéologie, à la RTS. «On prend des prélèvements à l’intérieur des couches, une trentaine sur toute la fouille. Puis nous avons des discussions continuelles avec les micromorphologues en laboratoire pour établir vraiment l’histoire du site.»

Puissante déesse

Fille de Zeus et de Léto, Artémis, Diane en latin, est principalement connue pour être la protectrice de la chasse et de la nature. Née avant son frère, le mythe qui l’entoure raconte qu’elle aurait aidé sa mère à mettre au monde le bel Apollon, devenant ainsi également la gardienne des accouchements et de la petite enfance. Vénérée durant l’Antiquité, cette figure de femme puissante et farouche est aussi devenue un symbole moderne. «Libre, Artémis Diane a souvent été considérée comme l’incarnation de la femme indépendante, voire sauvage», détaille Fémina. «Son aversion pour le mariage, son rejet de l’autre sexe et son aréopage de nymphes, dont la belle Callisto, font parfois d’elle une figure tutélaire lesbienne.» 

Cet article est paru dans le Télépro du 9/11/2023

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