Banquet à la table des rois

Image extraite de l'émission «Secrets d'Histoire» (France 3) © France 3/SEP

«On ne fait pas de bonne diplomatie sans de bons déjeuners», disait Talleyrand (1754-1838). C’est ainsi qu’est née la gastronomie française.

Vous aimez la bonne cuisine ? Vous allez vous régaler, ce mercredi dès 21h10, avec «Secrets d’Histoire» sur France 3. Stéphane Bern part sur les traces de trois grandes figures de la gastronomie française : Vatel, Carême et Escoffier. Rois des cuisiniers, ils furent aussi cuisiniers des rois. Derrière les toques et les tabliers, on découvre donc des bouts d’Histoire de France.

Suicide à Chantilly

François Vatel est entré dans la légende pour son suicide à Chantilly, en 1671. Mais dix ans plus tôt, il a été partie prenante d’un autre épisode de l’Histoire de France : le banquet grandiose organisé par Fouquet dans son château de Vaux-le-Vicomte. Louis XIV n’est alors qu’un jeune homme. Fouquet, son surintendant, estime être l’homme le plus puissant du Royaume. Et cette fête fastueuse doit le prouver… Touché dans son orgueil, le Roi fait arrêter Fouquet le surlendemain ! Et Vatel dans tout ça ? Il dirigeait les cuisines de Vaux-le-Vicomte. Craignant d’être arrêté à son tour, il s’exile en Angleterre avant d’être engagé par le Grand Condé (Louis II de Bourbon, cousin de Louis XIV) au château de Chantilly. Jusqu’au jour où le Grand Condé invite le Roi-Soleil à sa table. Le banquet dure trois jours et tout doit être parfait. Pour le vendredi, Vatel a prévu du poisson frais. Mais les heures passent et le poisson n’arrive pas… Craignant le déshonneur, Vatel se suicide. Vatel a donc été le triste inventeur du burn-out en cuisine. Certains lui attribuent aussi la crème Chantilly…

Un bon vol-au-vent

Avec Antonin Carême, on arrive à l’époque napoléonienne. Pâtissier parisien réputé pour ses pièces montées, Carême travaille de temps à autre pour Bonaparte. Il est très vite remarqué par son ministre des Affaires étrangères : Talleyrand. Il engage Carême pour diriger ses cuisines. Avec une mission : rendre les repas diplomatiques moins lourds et moins gras. Talleyrand met aussi Carême au défi de ne travailler qu’avec des produits de saison. C’est ainsi que nait un tout nouveau style de cuisine, laissant la part belle aux légumes et aux sauces légères. Après la chute de l’Empire, Carême travaillera à Londres pour le futur George V, en Autriche pour l’empereur François I er , en Russie pour le tsar Alexandre Ier … Il en ramènera le service à la russe, un plat après l’autre, qui remplacera le service à la française où tous les mets étaient apportés en même temps. Carême sera la premier à être appelé «chef» et le premier à porter la toque. C’est aussi l’inventeur du vol-au-vent !

Au temps des palaces

Plus près de nous, Auguste Escoffier (1846-1935) révolutionna également la gastronomie française. Cuisinier pour Mac Mahon lors de la guerre de 1870, il a gardé de son expérience militaire le souci de diversifier les préparations et varier les présentations. Quand on a les mêmes navets à cuisiner tous les soirs, il faut de l’imagination pour que ce soit bon ! Il a aussi appris à ne rien jeter et à réutiliser les restes. Ces bases ne quitteront jamais l’esprit d’Escoffier bien qu’ensuite, associé à Ritz, il œuvre à la naissance des palaces où se bousculent vedettes et têtes couronnées. Escoffier y fait véritablement entrer la cuisine dans la modernité. D’abord en supprimant les menus à rallonge pour des menus de 3 ou 4 services. Ensuite en organisant les marmitons en brigades. Puis en leur imposant des règles d’hygiène. C’est aussi à Escoffier que l’on doit la pêche Melba, la poire Belle-Hélène ou la crêpe Suzette – créée pour le futur Édouard VII. La gourmandise est la politesse des rois…

Cet article est paru dans le Télépro du 7/12/2023

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