Cristallier : à la chasse aux cailloux

Les sommets recèlent de trésors minéraux © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Ce samedi à 18h dans «GEO Reportage», Arte nous emmène sur les traces des cristalliers suisses qui arpentent les entrailles des Alpes, à la recherche de pierres précieuses.

C’est une pratique dont les montagnes helvètes sont témoins depuis des siècles : voir des hommes et des femmes partir à la «chasse aux cailloux». Certains n’hésitent pas à risquer leur vie au cœur des «fours», de profondes crevasses, pour dénicher le cristal de roche tant convoité.

L’or rose

Dans le jargon des cristalliers, partir en quête de la précieuse roche se dit «aller aux cailloux». Et pourtant, ce que briguent ces chercheurs et chercheuses de l’extrême n’a rien d’une simple pierre. «Ces cristaux ont été formés à environ 10 kilomètres de profondeur, il y a 15 millions d’années, lors de la collision entre la plaque africaine et la plaque européenne. La collision a fait remonter du granit du magma terrestre», détaille Jean-Franck Charlet, guide de haute montagne et cristallier, sur le site de Futura Sciences. «Durant la collision, tout a été comprimé si fortement que des fissures se sont créées dans la roche. De l’eau s’est ensuite accumulée dans ces fissures. Additionnée aux diverses compressions et décompressions que subit la roche durant sa remontée, la solution aqueuse se change en cristaux.»

S’il existe aujourd’hui de nombreuses formes de cristaux, pour les cristalliers, certains sont plus précieux que d’autres. C’est le cas de la fluorine rose, une espèce minérale très rare et dont les plus beaux spécimens dénichés à ce jour sont issus du mont Blanc ou de Suisse centrale.

Marché florissant

Dénicher des cristaux n’a rien d’une promenade de santé. Sébastien Fragnière, guide de haute montagne et cristallier aguerri, qui a failli perdre la vie suite à une mauvaise chute en 2004, a vu de nombreux collègues «s’effacer dans la montagne», comme on dit poétiquement dans le milieu. «Pourtant, ils n’étaient pas casse-cou et prospectaient des sites sains», explique l’homme au journal suisse Le Temps.

Mais pourquoi prendre un tel risque ? Pour Sébastien, s’il s’agit plus d’une passion – il conserve d’ailleurs les plus belles pièces pour sa collection privée -, la pratique de la chasse aux cristaux permet d’arrondir les fins de mois, de quelques milliers d’euros parfois. Dans le commerce, les prix sont assez aléatoires. En fonction de sa qualité, le prix du quartz au kilo, par exemple, peut varier entre 30 et 300 €.

Pierres guérisseuses ?

Les cristalliers aiment leurs trouvailles pour leur beauté ou leur rareté, tandis que d’autres les vendent ou les achètent pour leurs supposées vertus thérapeutiques. Grande tendance de ces dernières années, la lithothérapie, ou le soin par les pierres, n’en finit pas de faire des adeptes, au grand dam des professionnels de la santé qui voient certains malades confier leur guérison au pouvoir des pierres.

«C’est grotesque ! Le monde minéral est caractérisé par son inertie : à la différence du monde vivant, il ne produit pas spontanément d’énergie (hormis les substances radioactives…)», s’indigne Christian Chopin, directeur de recherche au CNRS, spécialisé en minéralogie, dans les pages du Figaro Santé. «Vouloir parer les minéraux d’une quelconque vertu thérapeutique par l’effet d’ondes spécifiques est du charlatanisme.»

Le saviez-vous ?

L’art d’être cristallier est une pratique qui possède son code d’honneur. Par exemple, selon ce dernier, si un cristallier repère un endroit de choix pour la cueillette du cristal, mais que des outils y ont été abandonnés, il faudra passer son chemin car cela signifie que le lieu appartient, pour au moins deux ans, à celui qui est arrivé en premier.

Cet article est paru dans le Télépro du 31/8/2023

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