François Englert, rebelle et Nobel

François Englert, un parcours scientifique époustouflant pour un esprit brillant © Isopix

Il est des destins particuliers… Ainsi en est-il de celui de François Englert, prix Nobel de physique 2013 (avec le Britannique Peter Higgs) pour ses travaux sur le mécanisme de Brout-Englert-Higgs, «maillon manquant» parmi les constituants les plus fondamentaux de la nature. Ce samedi à 22h45, La Trois diffuse le documentaire «François Englert, rebelle et Nobel».

François Englert, né le 6 novembre 1932 dans une famille juive belge d’origine polonaise, aurait pu disparaître dans les camps d’extermination s’il n’avait rencontré les époux Jourdan, qui le cachèrent à Lustin (Profondeville), méritant ainsi le titre de Justes parmi les Nations.

Personnalité peu commune !

C’est déjà quelqu’un, ce jeune François ! Des primaires sans encombre – il savait lire avant d’entrer en première -, mais des secondaires qu’il veut gérer seul, refusant à ses parents le droit de s’y intéresser. Et allant même jusqu’à imiter la signature de son père qu’il appose au bas de ses bulletins. À l’athénée de Koekelberg, il apprécie le cours de math, déteste celui de géographie. Brillantissime, il est aussi… fantaisiste. Il participe au canular du faux spoutnik qui, en 1958, serait tombé dans le Brabant wallon. On le retrouve au cœur de la contestation estudiantine en mai 1968 et lorsqu’il s’agit de s’adresser au Roi dans le cadre de la remise du Prix Francqui, le «prix Nobel belge», dont il est le lauréat en 1982, il s’en prend ouvertement aux manquements de la politique scientifique dépourvue de moyens suffisants.

Ingénieur

Quant à son parcours académique, lui aussi est impressionnant. En 1955, il décroche son diplôme d’ingénieur civil en électricité et mécanique pour faire plaisir au paternel, mais ce sont les études de physique qui l’attirent, couronnées par une brillante thèse de doctorat, en 1959, alors qu’il n’a jamais suivi les cours ! On le retrouve ensuite à l’université Cornell, aux États-Unis, pendant deux ans et sous la direction de Robert Brout, son compagnon de recherche durant toute sa vie. C’est enfin le retour à l’Université Libre de Bruxelles où il gravit tous les échelons de la carrière académique jusqu’à son éméritat en 1998.

Pas «mécontent» de recevoir le Nobel !

Durant toutes ces années, il poursuit sa collaboration avec Robert Brout. Avec lui et Peter Higgs, il propose le mécanisme – qui porte leurs trois noms – expliquant la masse de particules élémentaires, mieux connue par la suite sous le nom de «boson de Higgs» ou de «Brout-Englert-Higgs». Le Prix Nobel de physique est décerné conjointement à Peter Higgs et à François Englert le 8 octobre 2013 pour l’ensemble de leurs recherches, notamment sur le boson, que la littérature attribue trop souvent au seul chercheur anglais. Du reste, dans le documentaire qu’elle lui consacre samedi soir sur La Trois, Chantal Anciaux revient sur la réaction de l’homme quand il apprend qu’il est nobélisé : «Je ne suis pas mécontent», lâche-t-il simplement. En revanche, Englert remet bien les points sur les i en rappelant que voilà cinquante ans déjà, avec Robert Brout, il évoquait l’hypothèse du boson.

Pas de sagesse sans folie

Non sans humour, François Englert affirme aujourd’hui qu’il n’a jamais travaillé, propos tout aussitôt contredits par son épouse. Il peut, selon elle, demeurer dans son bureau 18 heures d’affilée, mais «pour le plaisir». Sans doute aussi pour s’échapper, avec ses amis physiciens, d’une vie privée qu’il qualifie de cabossée. On apprécie avant tout l’intelligence et la chaleur qui se dégagent du nonagénaire et surtout ce zeste de causticité dont il ne se départit jamais. Mais surtout, devant les horreurs de la guerre, c’est son manque de confiance dans l’homme qu’il traduit par ces mots : «Je n’ai aucune certitude, mais bien un doute universel» qu’il complète par cette devise devenue sienne : «Il n’est de sagesse sans folie.»

Cet article est paru dans le Télépro du 8/12/2022

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