James Webb : une star dans les étoiles

Image extraite du documentaire diffusé samedi sur Arte © Arte/Nasa

À 1,5 million de kilomètres de la Terre, James Webb, le plus grand et le plus puissant télescope jamais mis sur orbite, a le regard tourné vers l’infini et au-delà. Ce samedi à 22h25, Arte diffuse un documentaire intitulé «Le Téléscope James-Webb : les premières découvertes».

À couper le souffle. Les images envoyées de l’espace en octobre dernier par le télescope spatial James Webb sont esthétiquement sublimes et scientifiquement prodigieuses. Comme celle, explique l’Agence spatiale européenne (ESA), de la nébuleuse du Crabe, le premier objet céleste figurant dans le catalogue astronomique de Messier, créé en 1774 (1). Ce que le télescope spatial a photographié ? Un nuage vaporeux de gaz formant des filaments, issu d’une explosion supernova (2) – à 6.500 années-lumière de notre Système solaire – observée en 1054. À l’époque, des astronomes chinois et japonais ont pu l’étudier pendant trois semaines en plein jour, tant elle brillait. Filaments de gaz rouge-orange, de soufre, poussière interstellaire, champ magnétique : les images capturées par le télescope sont encore plus intenses et précises grâce à la lumière infrarouge. Depuis l’explosion, la nébuleuse continue de se répandre dans la galaxie à la vitesse de 1.500 kilomètres par seconde. Les scientifiques espèrent «pouvoir approfondir leur compréhension du cycle de vie d’une étoile grâce à ce cliché».

Sky is the limit

Le 25 décembre 2021 à 13.20 (heure de Bruxelles), la fusée Ariane 5 ECA s’élève dans le ciel du Centre spatial de Kourou, en Guyane. Elle emporte avec elle le projet de tous les records. L’aventure «James Webb» (JWST, acronyme de James Webb Space Telescope) commence en 1996. Le projet initial de la NASA prévoit d’envoyer un télescope spatial nouvelle génération performant et à prix cassé. Le budget prévu est de 500 millions de dollars. Le télescope doit être opérationnel quelques années plus tard entre 2000 et 2010. De reports multiples en améliorations technologiques, les retards s’accumulent et le budget s’envole. Quand il prend la direction des étoiles vingt-cinq ans plus tard, le télescope le plus grand de l’histoire (la surface d’un terrain de tennis) est aussi le plus cher : 10 milliards de dollars, vingt fois le budget prévu.

Voir l’univers net

James Webb a été développé par la Nasa en coopération avec l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence spatiale canadienne (ASC). Objectif principal : observer le passé, les galaxies les plus anciennes de l’Univers, apparues il y a plus de 14 milliards d’années. Scruter ce passé lointain (100 millions d’années après le Big Bang) devrait permettre aux astronomes et astrophysiciens d’en apprendre plus sur la formation de l’Univers, des premières étoiles et systèmes galactiques, précise Futura, le magazine de vulgarisation scientifique. Pour rendre cela possible, le télescope spatial est muni d’un miroir primaire d’un diamètre de 6,5 mètres et un pare-soleil de 22 mètres sur 12 (le fameux court de tennis), le tout pesant plus de 6 tonnes. Tout cela pour capter le plus de luminosité possible en provenance des objets célestes et les observer de manière précise. Pour y arriver, il fallait aussi positionner JWST de manière idéale. Placé à 1,5 million de kilomètres de la Terre, la Lune, le Soleil et notre planète ne viennent pas perturber la précision de ses instruments. Sur X (Twitter), le chercheur français Olivier Berné, a cette explication très imagée pour parler de l’utilité du télescope spatial : «Webb est une machine à remonter le temps, à regarder loin dans le passé et voir l’objet tel qu’il était il y a 13 milliards d’années. C’est comme si on mettait des lunettes à un myope (pour observer l’Univers), tout est plus net.»

La vie ailleurs ?

Il y a un peu de la Belgique dans l’aventure James Webb. Via notamment le Centre spatial de Liège (CSL). «Nous le sommes à travers deux de ses quatre instruments, qui forment aussi la part de l’ESA (l’Agence spatiale européenne) dans le développement de l’instrumentation de cet énorme télescope», explique Christophe Grodent, ingénieur civil électromécanicien de l’ULiège, directeur commercial et membre du conseil de gestion du CSL. Celui-ci a participé aux tests mais aussi au design et au développement de certains éléments. Dans le monde, des milliers de chercheurs attendent avec impatience les images et données envoyées par le télescope. Plus de 1.000 demandes impliquant plus de 4.000 astrophysiciens ont été déposées, c’est quatre à cinq fois plus que le nombre d’heures d’observation disponibles. C’est le cas de Michaël Gillon, Prix Francqui belge 2021, astronome et astrophysicien à l’ULiège, codécouvreur et découvreur d’exoplanètes comme le système exoplanétaire Trappist-1. «Grâce à James Webb, nous allons pouvoir étudier la composition de planètes potentiellement habitables et y chercher des traces chimiques de vie, des bio signatures», déclare-t-il au site Thema ULiège.

James Webb

JWST porte le nom de l’ancien directeur de la NASA James Webb. Placé à la tête de l’Agence spatiale américaine en 1961 par le président J.F. Kennedy, il présidera à ses destinées jusqu’en 1968. Il est considéré comme l’un des hommes-clés de la conquête de l’espace par les États-Unis. Son nom reste intimement lié au programme Apollo et au premier pas d’un homme sur la Lune le 21 juillet 1969.

(1) Catalogue de Messier

Le Catalogue des nébuleuses et des amas d’étoiles, dit catalogue de Messier, est un catalogue astronomique d’objets d’aspect diffus créé en 1774 par Charles Messier afin d’aider les chercheurs de comètes à ne pas confondre celles-ci avec divers objets diffus dont la nature était alors inconnue (galaxies, divers types de nébuleuses et amas d’étoiles) mais fixes par rapport aux étoiles.

(2) Supernova, c’est quoi ?

Une supernova est l’ensemble des phénomènes qui résultent de l’implosion d’une étoile en fin de vie, dont une gigantesque explosion qui s’accompagne d’une augmentation brève mais fantastiquement grande de sa luminosité. D’énormes quantités de matière et d’énergie sont alors éjectées dans l’espace environnant (ils sont appelés «rémanents» par les astronomes). Les restes de l’explosion elle-même demeurent une intense zone d’activité pour des milliers d’années. Vue depuis la Terre, une supernova apparaît donc souvent comme une étoile nouvelle, alors qu’elle correspond en réalité à la disparition d’une étoile. (Source : ESA)

Cet article est paru dans le Télépro du 16/11/2023

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici