Kaliningrad, fenêtre russe sur l’Europe

Infographie extraite du documentaire «Kaliningrad, une forteresse russe au cœur de l’Europe», à voir sur Tipik © RTBF
Stéphanie Breuer Journaliste

Longtemps allemande, Kaliningrad est désormais une enclave russe, coincée entre la Pologne et la Lituanie. Ce mardi à 21h, Tipik diffuse le documentaire «Kaliningrad, une forteresse russe au cœur de l’Europe».

Au bord de la mer Baltique, un bout de terre de 15.000 km² inquiète l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine. Et pour cause, coincé entre la Pologne au sud et la Lituanie au nord et à l’est (tous deux membres de l’UE et de l’Otan), ce territoire appartient à la… Russie ! Comment Kaliningrad est-elle devenue une enclave de Moscou, isolée en Europe ? La réponse se trouve dans deux des bouleversements majeurs de l’Europe du XXe siècle : la Seconde Guerre mondiale et la fin de la guerre froide, symbolisée par la chute de l’Union soviétique. Mais remontons d’abord aux origines de cette région qui ne s’appelait alors pas encore Kaliningrad.

Fondée par les Teutons

Dans une région occupée par les Wisigoths, des cousins germaniques, aux II e et III e siècles, la ville de Königsberg est fondée en 1255 par les chevaliers Teutoniques. À partir de 1701, la cité accueille le couronnement des rois de Prusse. «Avec son université, son château et sa cathédrale élevés entre le XIVe et le XVIe siècle, la ville natale d’Emmanuel Kant et de Hannah Arendt incarne un visage du rayonnement culturel germanique», écrit Thomas Serrier dans «La Mémoire trouée de Kaliningrad» (L’Histoire).

Le destin de Königsberg, devenue capitale de la Prusse-Orientale, bascule lors de la Seconde Guerre mondiale. Le centre historique de la ville est détruit à 90 %, d’abord par les bombardements anglo-américains, puis lors de l’assaut final des troupes soviétiques en avril 1945. Au terme du conflit, le III e Reich est démantelé. Et les conférences de Yalta et de Potsdam signent le transfert définitif à l’URSS de la partie nord de la Prusse-Orientale – coupée du reste de l’Allemagne depuis 1919 par le traité de Versailles -, la partie sud revenant à la Pologne. Staline obtient ainsi un port stratégique qui donne accès à une mer libre de glace toute l’année (contrairement à celui de Saint-Pétersbourg).

Grand remplacement

Lorsque la région passe sous le giron soviétique en 1946, elle prend le nom de Kaliningrad, en hommage à Mikhaïl Kalinine, président du Soviet suprême de Russie décédé un mois plus tôt. «La population allemande qui n’a pas été évacuée ou n’a pas fui avant l’arrivée de l’Armée rouge est expulsée manu militari en 1947-1948, et entièrement remplacée par des «colons» en provenance de toute l’Union soviétique», poursuit Thomas Serrier. Dans Historia, Guillaume Malaurie écrit même : «Si le terme de «grand remplacement» a un sens, c’est bien à Königsberg.»

Et pour aider les nouveaux habitants à s’enraciner dans cette ville si peu russe, la plupart des traces du long passé prussien et allemand sont effacées. Seuls quelques vestiges sont conservés, tels qu’une cathédrale gothique abritant la tombe du philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804), considéré par les Soviétiques comme le fondateur de la pensée marxiste. C’est enfin après la guerre froide que Kaliningrad devient une originalité géopolitique. Avec l’indépendance des pays baltes et la chute de l’Union soviétique, Kaliningrad se retrouve sans frontière avec la Russie. Une situation qui, si elle inquiète les membres de l’UE, réjouit Vladimir Poutine. Car, aujourd’hui, Kaliningrad sert d’avant-poste à l’ouest et abrite le quartier général de la flotte russe en mer Baltique. En plus des milliers de soldats qui y sont stationnés, y sont déployés des missiles nucléaires, capables de frapper Paris, Londres ou Berlin en quelques minutes à peine…

Cet article est paru dans le Télépro du 12/10/2023

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