«La Cinquième» de Beethoven : partition qui attisa les passions

Ludwig van Beethoven (1770-1827) © Getty Images
Giuseppa Cosentino Journaliste

Ce samedi à 21h10 sur France 4, «Les Clefs de l’orchestre» de Jean-François Zygel dévoilent l’histoire d’une partition qui, à force de tensions et d’euphories, n’était pas jouée d’avance…

Dès les premières notes, Beethoven (1770-1827) donne le ton. Son «papapapam», soit trois notes brèves et une longue, est instantanément reconnaissable. Mieux, le motif rythmique est répété plus de 200 fois dans le premier mouvement de la symphonie. «C’est très grand, c’est absolument fou ! On aurait peur que la maison s’écroule !», s’écrie Goethe en 1830 en entendant le jeune Mendelsshon le reproduire au piano. «Ainsi, le destin frappe à la porte», aurait dit Beethoven. Un destin qui avait pourtant mal commencé…

Du fiasco…

Vienne, décembre 1808. Ludwig van Beethoven s’apprête à présenter sa nouvelle symphonie au prestigieux Theater an der Wien. Dans la salle : ses deux mécènes, le prince Lobkowitz et le comte Razumovsky, à qui il dédie l’œuvre. Le spectacle doit être mémorable ! Le programme, de plus de quatre heures, s’annonce chargé. Beethoven a même prévu de jouer lui-même un concerto au piano. Mais les conditions ne sont pas réunies… L’artiste est à moitié sourd, il fait très froid et les musiciens le détestent à cause de son «caractère emporté». L’orchestre livrera, ce soir-là, une performance désastreuse. À tel point que le maestro dut hurler de reprendre la partition entre deux fausses notes.

… au maestro

Après cette humiliation, Beethoven s’isole. Il tente aussi de cacher la surdité qui le gagne depuis ses 26 ans. «Si j’avais n’importe quel autre métier, cela serait possible. Mais, dans le mien, c’est une situation terrible.», écrit-il à un ami violoniste. Paraît alors un essai de l’écrivain E.T.A. Hoffmann faisant l’éloge de sa symphonie, qu’il qualifie d’«idée de génie». Il encense le compositeur, affirmant qu’«il a porté la musique au plus haut degré de son expression» ! Entre-temps, Beethoven la rejoue. À Vienne, en 1812. Puis à Milan l’année suivante et, enfin, à Paris, où la «Cinquième» déclenche une frénésie. «Certains spectateurs furent saisis d’une attaque de nerfs si violente qu’il fallut les emporter hors de la salle», rapporte Hector Berlioz dans son «Journal des débats» (18 avril 1835).

V de la Victoire

Bientôt, la «Symphonie n°5» devient un symbole de résistance. Ainsi, lors de la Seconde Guerre mondiale, son désormais célèbre «papapapam» s’ancre dans la politique. «Il sera utilisé par la BBC pour annoncer les émissions clandestines», rappelle France Musique. «Dès que les auditeurs entendent quatre coups de timbales – trois brefs et un long -, ils reconnaissent le début de la « Cinquième » ou, en langue morse, la lettre V de victoire.» À travers cette cellule rythmique qui irradie l’œuvre jusqu’à l’apothéose finale – et le fameux accord en ut majeur ! -, Beethoven voulait «exprimer la lutte de l’homme sur son destin, puis son triomphe». Un pari réussi pour ce chef pugnace qui, malgré une surdité totale, composa jusqu’à sa mort, à 56 ans.

Cet article est paru dans le Télépro du 6/4/2023

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