La guerre du trésor de Troie a bien eu lieu

Image extraite du documentaire diffusé ce vendredi sur La Une © RTBF/Mediawan

Exhumés grâce aux rêves fous d’un archéologue autodidacte, les précieux objets ont connu une destinée chahutée. Un sujet évoqué ce vendredi à 23h30 sur La Une dans «Le Temps d’une histoire».

L’Allemand Heinrich Schliemann (1822-1890) tient à la fois du financier aux pratiques parfois douteuses, de l’aventurier tel qu’en produit en abondance le XIXe siècle, mais aussi du savant. Certes, il est autodidacte, mais quand il s’éprend de la Grèce et de sa civilisation, son appétit d’archéologue ne souffre aucune limite.

Après avoir bourlingué dans le monde, le voici en ces lieux décrits par Homère dans «L’Iliade». Il est persuadé que Troie n’est pas un mythe, mais une cité brillante aujourd’hui enterrée. Alors quand il apprend que le vice-consul dans les Dardanelles, Frank Calvert, a acquis en Asie mineure la moitié de la colline d’Hissarlik, il ne tient plus en place.

Sans scrupules

Car c’est bien là que la tradition populaire place les ruines de Troie. Schliemann a entre-temps, et cela ne s’invente pas, donné aux deux enfants nés de son second mariage avec une Grecque les noms d’Andromaque et d’Agamemnon. Passion quand tu nous tiens !

Et le voilà qui s’attaque à la fameuse colline avec la seule obsession de fouiller l’ancienne ville de ses héros antiques. Il fait fi de toutes les strates et d’autant de civilisations qui ont couvert le lieu par couches successives, détruisant à qui mieux mieux des témoins archéologiques. Il n’a qu’une obsession, retrouver le trésor enfoui par le roi Priam et les traces de la belle Hélène, enlevée par le prince troyen Pâris à son époux Ménélas, roi de Sparte.

L’apprenti-archéologue exhume plus de huit mille objets, principalement des vases, mais aussi le fameux trésor de Priam, ou prétendu tel, et les bijoux d’Hélène qu’il fera porter par sa femme. En réalité, les objets attribués au règne du roi troyen seraient postérieurs.

Mais peu importe. Alors que Schliemann avait tenté de cacher ses trouvailles, l’empire ottoman exige la restitution des biens volés à sa terre. L’archéologue est condamné à verser une indemnité sévère aux Turcs tout en leur restituant quelques pièces secondaires qui trouvent alors place dans le musée de Constantinople.

La saga d’un trésor

Mais c’est ici que débute l’incroyable saga autour du trésor de Priam. D’abord, Schliemann a l’intention d’établir à ses frais un musée à Athènes pour accueillir ses collections, dont celle de Mycènes dont il avait mis aussi au jour l’importante civilisation. Mais il ne parvient pas à trouver un terrain d’entente avec les autorités.

C’est ensuite au musée du Louvre de décliner son offre. Idem pour l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Résigné, l’archéologue expose ses pièces durant trois ans au Victoria and Albert Museum, à Londres. Et c’est finalement l’Allemagne, son pays d’origine, qui reçoit le précieux trésor où il trouvera place dans deux salles du Musée des arts décoratifs auxquelles accède le public dès 1882.

Au pays des Soviets

La collection s’enrichit au cours des années et coule des jours paisibles à Berlin jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Pour échapper aux raids aériens, l’héritage de Schliemann est déménagé à de nombreuses reprises. Mais alors qu’un ordre du Führer enjoint de transférer au plus vite les collections vers le front occidental, le directeur du musée qui en a la garde refuse de l’exécuter, gardant un œil attentif sur les caisses jusqu’à l’arrivée des soldats soviétiques.

L’autorité occupante ne se fait pas prier pour prendre possession du trésor et l’acheminer vers le Musée Pouchkine à Moscou, où il n’est pas exposé, faisant croire à sa disparition. Mais en 1987, il est établi que le butin se trouve en URSS même si quatre ans plus tard, le ministre russe de la Culture prétend qu’il pourrait être aux mains des Occidentaux ! En 1994, la Russie reconnaît enfin officiellement détenir les découvertes troyennes, les exposant même deux ans plus tard.

Depuis, et la situation internationale n’y aide guère, aucun accord de restitution n’a été trouvé entre l’Allemagne et la Russie. La première doit toujours se contenter de copies présentes dans le très beau Neues Museum, à Berlin, aux côtés de très rares originaux rendus par l’URSS à la RDA, puis par la Russie à l’Allemagne.

Cet article est paru dans le Télépro du 16/3/2023

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