La savoureuse histoire du camembert

Depuis 1983, le «Camembert de Normandie» bénéficie d’une AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) : ce label protège le patrimoine culturel et gastronomique de sa région © FTV/Skopia Films
Giuseppa Cosentino Journaliste

Mercredi à 23h10, France 3 remonte le fil d’une destinée particulière : celle du camembert !

Saviez-vous, par exemple, qu’avant de devenir l’un des emblèmes de la France, ce frometon à pâte molle et à la croûte fleurie dut sa renommée… à la Première Guerre mondiale ? Cette histoire vaut bien un fromage, sans doute !

Ma Normandie

C’est au XVIIIe siècle, au cœur de la Normandie, que l’on en retrouve les premières coulées. Son invention est attribuée à Marie Harel, fermière normande et épouse d’un fromager. «En pleine révolution française, elle aurait recueilli un prêtre réfractaire, originaire de Brie, dont les conseils avisés lui auraient permis d’obtenir le précieux graal», explique la fromagerie Durand, qui produit le camembert. En 1791, la fermière le baptise «Camembert», du nom de son village natal. Par la suite, ses enfants et petits-enfants commercialisent à plus grande échelle ce dérivé du brie «amélioré».

Le chic de Napoléon

Puis son destin bascule un beau jour d’août 1863. Lors de l’inauguration de la gare de Surdon, Victor Paynel, le petit-fils de Marie Harel, la «fameuse» fromagère normande, présente ses produits dont les effluves attirent les narines délicates de Napoléon III. Devant ces camemberts frétillants, l’Empereur ouvre un large bec et… tombe sous le charme de «leur goût crémeux». À tel point qu’il décide de les servir au palais des Tuileries, à Paris !

À grand train

Cet essor est largement encouragé par l’arrivée des chemins de fer. Avant le Second Empire, les fromages se consommaient sur place, dans leur terroir. Jamais le moelleux camembert n’aurait pu résister au transport jusqu’à la capitale, exigeant plusieurs jours de diligences. «Dès 1850, six heures de train suffisent pour l’acheminer dans les étals parisiens», se réjouit la fromagerie Durand.

Guerre des tranchées…

Mais c’est véritablement lors de la Première Guerre mondiale que sa popularité éclate. Il s’invite jusque dans les tranchées pour s’intégrer à la ration de combat des poilus. Sa stratégie ? Il est «peu gourmand en lait puisqu’il ne nécessite que 2 litres par fromage», explique le sociologue Pierre Boisard dans «Le Camembert, mythe français» (éd. Odile Jacob). Il l’emporte ainsi, haut la tranche, sur son prédécesseur, l’emmental.

…et tranches de réconfort

Mais ce n’est pas tout ! «Son goût âpre et sa consistance molle» sont aussi ses atouts de charme. Dans la rudesse de la guerre, il fait fondre le cœur des soldats venus de toute la France. «En 1918, on livre un million de camemberts pour les poilus chaque mois !», ajoute le sociologue. À l’issue du conflit, les militaires français – mais aussi anglais, américains, canadiens et australiens -, ayant survécu à l’horreur des tranchées, regagnent leur patrie en emportant, chacun, le souvenir «de ce fromage qui les a réconfortés».

Cet article est paru dans le Télépro du 15/2/2024

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