La vie haute en couleur du caméléon

La langue du caméléon atteint sa cible en 1/25e de seconde © Arte/Les Films en vrac

Il est arrivé sur l’île de Madagascar il y a 65 millions d’années. La déforestation menace aujourd’hui ce champion de l’adaptation. Ce mercredi à 19h, Arte diffuse «Madagascar ou le grand carnaval des caméléons».

Du coloré Furcifer pardalis à l’étrange bifidus à deux cornes en passant par le gallus à nez de clown, les caméléons ont fait de Madagascar leur paradis. L’île rouge abrite près de 50 % des 217 espèces connues dans le monde. Appartenant au groupe des lézards, ces reptiles qui ne rampent pas vivent surtout en forêt. Redoutable oustaleti de 70 centimètres de longueur, minuscule Brookesia nana de 1,35 cm, ils offrent un festival de formes et un feu d’artifice de couleurs. Pourtant, comme le montre le documentaire diffusé mercredi sur Arte, la vie n’est pas toujours rose pour ces authentiques transformistes du règne animal. Le braconnage et la déforestation qui détruisent leur habitat, ainsi que les fleurs et les insectes dont ils se nourrissent, mettent en péril ces animaux aussi étranges que les histoires et les mythes dont ils font l’objet.

L’animal qui ne vivait que d’air

Au Ier siècle ap. J.-C., Pline l’ancien décrit le caméléon dans son «Historis naturalis». Outre le fait «digne d’admiration» que l’animal «change souvent de couleur dans ses yeux, dans sa queue et tout son corps», une autre particularité retient l’attention du naturaliste romain. «Il est le seul de tous les animaux qui ne mange ni ne boive, et qui n’ait pas d’autre aliment que l’air.» Ah bon… Il faut dire que depuis un certain temps déjà, la bête à l’étrange bobine traîne dans le sillage de sa queue bizarroïde quelques casseroles qui font du bruit. Pline, toujours lui, retrace sur le ton du sarcasme ce que le philosophe grec Démocrite dit du caméléon au IVe siècle av J.-C. «Démocrite raconte que la tête et le gosier du caméléon, brûlés avec du bois de chêne, déterminent la pluie et le tonnerre», relate-t-il, goguenard. Et de poursuivre, toujours amusé, sur les vertus de la langue, qui, en amulette, garantit des dangers de l’accouchement, ou celles de la patte gauche, réduite en pastilles qui rendent invisible. Depuis Pline, on a pu observer que le caméléon n’avait pas que de l’air, mais surtout des insectes et des plantes à son menu. Quant aux changements de couleurs, là aussi le naturaliste antique doit se retourner dans sa tombe.

Arc-en-ciel

Tiens oui, au fait : pourquoi le caméléon change-t-il de couleur ? Dans un premier temps, cette particularité est attribuée à l’environnement et à la nécessité pour l’animal de se camoufler pour tromper les prédateurs ou les futures victimes. Pour cette raison, dans la population, l’animal devient l’emblème des courtisans. Depuis, une autre théorie a émergé. D’abord, les couleurs varient en fonction de l’espèce : «Bleu, jaune, vert pour les arboricoles, plutôt brunâtre pour les terrestres», décrit le magazine GEO. Ensuite interviennent les émotions de la bête, son état d’agitation ou de calme, sa température. Il peut ainsi devenir noir de colère ou plutôt rougeâtre, pâle d’inquiétude… Comment se produit ce changement de couleur ? «Il provient de la structure même de la peau, qui renferme diverses matières colorantes qui peuvent, à la volonté de l’animal, se témoigner à la superficie ou se dissimuler», schématise le site touristique france-pittoresque.com. Et il dispose d’une large palette pour traduire ce qu’il ressent.

Mauvaise langue

Autre particularité du caméléon : sa langue, un long tube qui se transforme en redoutable arme de chasse. C’est elle qu’il utilise pour capturer ses proies. Pour cela, il compte d’abord sur ses yeux. Complètement indépendants l’un de l’autre, ils couvrent un champ de 180° à l’horizontale et de 90° à la verticale. Une fois la mouche, le papillon ou la sauterelle dans le collimateur de l’un des deux, l’autre s’ajuste. Ensemble, ils font une estimation de la distance qui les sépare de la future victime. Lorsque cette distance se situe entre une et deux fois la longueur de la langue, go ! C’est parti. Enroulée autour d’un os, la langue se déroule comme un accordéon, atteint sa cible en 1/25e de seconde (soit jusqu’à 96 km/h pour un Rhampholeon spinosus), éventuellement l’assomme (si elle a un dard), l’englue grâce au mucus collant qui la termine, la ramène en une demi-seconde et l’avale. Bon appétit !

L’acrobate

Peu à l’aise sur le sol, le caméléon l’est beaucoup plus dans les arbres. Pour cela, il peut compter sur ses pattes. «Cinq doigts, soudés en deux groupes (l’un de deux doigts et l’autre de trois)», indique l’encyclopédie Larousse. Grâce à ces pinces et à leurs griffes, l’animal s’accroche aux branches. Il perd l’équilibre ? Sa queue vient à la rescousse.

D’un caméléon à l’autre

«Le Caméléon» est aussi le titre d’une série télévisée à succès du début des années 2000. Le pitch : le héros, Jarod (interprété par Michael T. Weiss), a la faculté de prendre n’importe quelle apparence et de maîtriser n’importe quel métier. En trois saison, les aventures du caméléon humain réussiront à battre des records d’audience, détrônant même la célébrissime «Urgences» aux États-Unis. «Le Caméléon» s’inspirait d’une histoire vraie. Celle d’un escroc (décédé en 1982 à l’âge de 60 ans) appelé Ferdinand Demara Jr. Vivant sous plusieurs identités, il dupe tout le monde et se fait notamment passer pour un avocat, un cancérologue, un psychologue, un shérif adjoint… «Engagé sur un destroyer canadien, il sauvera plusieurs blessés civils», relate Uneseriedanecdotes.fr. Demara avait un QI très élevé et, apparemment, une mémoire photographique qui lui permettait d’apprendre seul tous ces métiers. Un authentique caméléon. 

Cet article est paru dans le Télépro du 14/12/2023

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