Les fausses notes de l’Orchestre rouge

Officier de la Luftwaffe, le pilote allemand Harro Schulze-Boysen (à droite de la photo) a été exécuté avec son épouse le 22 décembre 1942 © Getty Images

Plongée dans les coulisses d’un célèbre réseau d’espionnage de la Seconde Guerre mondiale.

Sorti en 1989, le film de Jacques Rouffio «L’Orchestre rouge», avec notamment Claude Brasseur, retraçait l’histoire d’un des plus grands réseaux de renseignement et de résistance de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, d’un point de vue historique, le rôle attribué à certains de ses membres est discuté, comme vous pourrez le voir sur La Trois lundi soir, avec la rediffusion d’un excellent documentaire qui lui est consacré.

La branche berlinoise

Dès les années 1930, l’URSS craint une invasion imminente des troupes du III e Reich. Le GRU, le service de renseignement de l’Armée soviétique, est donc particulièrement actif en Europe, avec de nombreuses ramifications dans l’Allemagne nazie, en Belgique et en France. Durant la guerre, ces branches deviennent l’un des principaux réseaux de renseignement au service de Staline. Elles sont baptisées «Orchestre rouge» par la Gestapo, rappelant leurs origines communistes.

La partie berlinoise du réseau compte environ 150 opposants au régime nazi, réunis autour d’anciens adhérents à la revue nationale-bolchévique Der Gegner. Certains sont bien infiltrés dans l’appareil du parti hitlérien. Ils sont dirigés par Harro Schulze-Boysen, un officier travaillant dans la cellule communication du ministère des Transports aériens, donc à un poste stratégique. Son alter ego est Arvid Harnack, titulaire d’un rôle important au sein du ministère de l’Économie. Les autres membres se retrouvent dans d’autres institutions sensibles de l’organisation nazie. Certains contribuent à soutenir le moral des victimes du régime en n’hésitant pas à distribuer des tracts, voire en taguant certains bâtiments de slogans hostiles.

Le réseau franco-belge

Les espions communistes sont déjà nombreux dans notre pays bien avant le déclenchement de la guerre. Le rôle qui leur est assigné devient purement militaire lors de l’invasion de l’URSS par les régiments nazis. Le siège de cette organisation est établi à Bruxelles, rue Royale, et se cache derrière une société paravent qui assure la commercialisation d’imperméables via des filiales installées notamment en Europe du Nord. Il en va de même avec une autre enseigne située à Paris. À leur tête, le Polonais Léopold Trepper et le Russe Anatoli Gourevitch. L’histoire retient surtout le nom du premier, mais certains remettent en cause les lauriers qu’il s’est un peu trop facilement attribués, l’accusant plutôt d’avoir livré son réseau aux nazis… L’historien français Guillaume Bourgeois écrira même que Trepper était «un imposteur qui par accident devient un héros alors qu’il ne le méritait pas du tout».

Trepper, blanc et noir ?

Quoi qu’il en soit, les renseignements fournis par Orchestre rouge ont été particulièrement précieux, notamment sur l’organisation Todt qui chapeautait la construction du fameux mur de l’Atlantique, ainsi que sur les déplacements de troupes et de leur matériel.

Les deux branches du réseau sont démantelées progressivement en 1942 et en 1943. Quasi tous les membres du groupe sont arrêtés, torturés et la plupart exécutés, certains au fort de Breendonk. Trepper est arrêté à Paris tout comme Suzanne Spaak, la belle-soeur de Paul-Henri Spaak, qui est fusillée. Lui devient alors un agent double qui participe à l’oeuvre d’intoxication des services d’espionnage soviétiques. Il réussit néanmoins à s’échapper des griffes nazies et à gagner le maquis des partisans français. Revenu à Moscou, il passe neuf ans dans les geôles staliniennes avant d’émigrer en Israël, non sans passer par Copenhague. Il meurt à Jérusalem le 19 janvier 1982.

Cet article est paru dans le Télépro du 27/07/2023.

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