Il y a quatre-vingts ans, Missak Manouchian et vingt-deux de ses compagnons tombaient sous les balles allemandes. Aucun d’eux n’était né français, mais tous sont morts pour l’Hexagone.
À l’occasion de son entrée au Panthéon avec son épouse, elle aussi résistante, revenons sur le destin d’un petit paysan arménien devenu héros national, auquel France 2 (mardi à 21h10) et Arte (mercredi dès 22.30) consacrent plusieurs documentaires.
Un Arménien en France
Missak Manouchian naît le 1 er septembre 1906 à Adiyaman (Empire ottoman), neuf ans avant le début du génocide arménien qui lui arrache ses deux parents. Après un passage dans un orphelinat français au Liban, il gagne Marseille puis Paris, en 1925, où il est engagé comme ouvrier tourneur aux usines Citroën. En 1934, le jeune homme, versé dans les Arts et les Lettres, s’intéresse aussi aux combats politiques. Il s’engage comme militant aux côtés du Parti communiste et du HOC (Comité de secours pour l’Arménie), où il rencontre Mélinée Assadourian, qui devient son épouse.
Suspect
Après la déclaration de guerre de 1939, son statut d’apatride et son engagement communiste le rendent suspect dans les deux camps. Arrêté et emprisonné, il obtient sa libération en échange de son engagement dans l’armée française. En 1941, il est interné dans un camp par les Allemands, mais relâché faute de preuves. Il reprend ses activités militantes et devient responsable de la section arménienne de la MOI (Main-d’œuvre immigrée), une structure communiste qui s’occupe des immigrés et réfugiés depuis la fin de la Première Guerre.
Attentats
À partir de 1943, il participe aux actions de l’organisation clandestine Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) qui lutte contre l’Occupant à Paris. À la tête du «groupe Manouchian», composé d’une cinquantaine de militants, tous étrangers et pour la plupart de confession juive, il organise une trentaine d’opérations armées. La plus importante reste l’attentat contre Julius Ritter, général allemand qui supervisait le Service du travail obligatoire. Le 16 novembre 1943, au terme d’une longue filature, Missak Manouchian est arrêté par les brigades spéciales de la police française, comme de nombreux membres des FTP-MOI dans les jours suivants, et livré aux Allemands. Mélinée, cachée chez son amie Knar Aznavourian – la mère de Charles Aznavour – échappera à la rafle.
L’Affiche rouge
Le visage des résistants est placardé partout dans Paris et des milliers de tracts de «l’Affiche rouge» sont distribués. Mais la campagne de décrédibilisation de «l’armée du crime» a l’effet inverse. Érigés en martyrs, les résistants suscitent la sympathie de l’opinion publique. «L’Affiche rouge» est aujourd’hui le symbole de l’héroïsme de ces étrangers qui ont sacrifié leur vie pour une France libérée. Au terme d’un simulacre de procès, Missak et ses compagnons sont condamnés à mort. Le 21 février 1944, les vingt-deux hommes sont fusillés au Mont-Valérien (colline de la région d’Île-de-France où seront exécutés plus d’un millier de personnes par l’Occupant), tandis qu’Olga Bancic, seule femme du groupe, est envoyée en Allemagne pour y être guillotinée.
«Aux grands hommes, la patrie reconnaissante»
«Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement», écrit-il dans la lettre d’adieu qu’il laisse à Mélinée, disparue en 1989. Et le combattant a vu juste. Quatre-vingts ans jour pour jour après son exécution, le couple entrera au Panthéon lors d’une cérémonie à suivre à partir de 17.10, mercredi sur France 2.
Cet article est paru dans le Télépro du 15/2/2024
