Notre grand-père a 450.000 ans !

Mercredi soir, France 3 plonge dans les gorges du Gouleyrous, à la rencontre de l’Homme de Tautavel.

Grand Sud-Ouest, à une vingtaine de kilomètres de Perpignan. Un site magique comme l’aime nous offrir la France profonde, loin des chemins battus. Les gorges du Gouleyrous, au nord de la commune de Tautavel, sont un paradis de fraîcheur, avec des eaux cristallines et un plan d’eau naturel où il fait si bon se prélasser les jours de canicule. Pas de tourisme de masse en ces lieux, mais des visiteurs locaux qui échappent à la chaleur des villes toutes proches. Nous sommes ici en Catalogne française, sur les rives du Verdouble qui, au cours des millénaires, a façonné falaises et rochers.

Un fourre-tout préhistorique

Mais au-dessus de ce paysage paisible, qui se doute qu’il y a une grotte, la caune de l’Arago, où des hommes ont élu domicile voilà plus de 500.000 ans ? Des 120 mètres de longueur durant la préhistoire, il ne reste aujourd’hui qu’une trentaine de mètres à la suite de l’effondrement de la voûte. L’inaccessibilité de l’endroit, d’ailleurs interdit au public, a permis d’y conserver des traces de vie aussi lointaines, remontées à la surface grâce à des campagnes de fouilles entamées en 1964. Archéologues et paléontologues ont déterminé vingt couches d’habitats successifs sur une hauteur sédimentaire de 11 mètres. Un véritable fourre-tout où se mélangent ossements humains et animaliers, sans compter des silex dont le plus ancien aurait 600.000 ans. En tout, 260.000 témoins de l’activité en ces lieux. Les chercheurs ont décelé la trace de vingt individus de type humain dont il ne reste que quelques infimes parties de squelettes. Quant aux animaux, mouflons, rennes et ours semblent avoir été nombreux dans la région, aux côtés d’éléphants, de rhinocéros et de lions.

Notre aïeul

La grotte fut donc habitée de 700.000 à 100.000 ans avant notre ère par des groupes d’Homo heidelbergensis, déclinaisons de l’Homo erectus, qui y installaient périodiquement des campements de chasse. Le lieu était idéal pour surveiller le passage des animaux qui venaient se désaltérer en contrebas et les galets fournissaient la matière première pour la confection des outils. Parmi ces humains, vers 450.000, un jeune homme d’une vingtaine d’années mesurant environ 1 mètre 65. On peut presque imaginer son visage à partir d’une partie de crâne. Il est à ce jour notre plus vieil ancêtre européen répertorié, même si une dent plus ancienne fait aussi partie du patrimoine de la grotte.

Au feu !

Cueilleur puis chasseur, l’Homo erectus a surtout été étudié à partir de restes découverts en Asie, principalement en Chine et en Indonésie. Son cerveau avait une capacité moindre que celui de l’Homme de Néandertal et de l’Homo sapiens. Au début de son développement, il ignorait l’utilisation du feu qu’il n’avait pas encore réussi à dompter. S’il disposait déjà d’outils, ceux-ci lui permettaient de dépecer la viande de sa proie qu’il mangeait crue, du moins dans les temps les plus éloignés. D’autres fouilles entreprises dans la grotte en 2021 ont révélé des traces de feu remontant à 560.000 ans.

Ce dernier a permis non seulement de cuire la viande, mais aussi de la fumer pour la conserver. Le meilleur rendement métabolique des aliments qui en a découlé a favorisé l’accroissement du volume cérébral. À noter : inutile de chercher une quelconque manifestation artistique dans la caune de l’Arago. Ce n’est que bien plus tard qu’apparaîtront les peintures rupestres telles que nous pouvons les admirer à Lascaux ou dans la grotte Chauvet en Ardèche. Les plus anciennes datent de 30.000 ans…

Cet article est paru dans le Télépro du 4/08/2022.

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