Philippe V, celui qui ne devait pas être roi

Philippe V © Getty Images
Stéphanie Breuer Journaliste

Devenu roi d’Espagne grâce à son grand-père Louis XIV, Philippe V a maintenu son royaume dans les grandes nations du XVIIIe siècle, malgré sa santé mentale fragile.

Alors qu’il n’était pas destiné à régner, un jeune prince français est finalement – cas unique dans l’Histoire – monté sur le trône d’Espagne… à deux reprises ! Mercredi à 21h10 sur France 3, «Secrets d’Histoire» dresse le portrait de Philippe V (1683-1746), souverain à la personnalité complexe et premier représentant de la dynastie des Bourbons d’Espagne, dont l’actuel roi Felipe VI est le descendant direct.

«Il n’y a plus de Pyrénées !» Cette exclamation de l’ambassadeur d’Espagne en France, prononcée le 16 novembre 1700, résume l’incroyable coup diplomatique réalisé par le roi de France Louis XIV. Malgré l’irréductible rivalité entre l’Espagne et la France, le Roi-Soleil entérine, ce jour-là, le testament du roi d’Espagne Charles II de Habsbourg, mort sans héritier, et autorise son petit-fils, le duc d’Anjou, à monter sur le trône d’Espagne sous le nom de Philippe V de Bourbon.

L’Europe à feu et à sang

Le destin de ce jeune prince de 16 ans, qui n’était pas destiné à régner (car deuxième de sa fratrie), bascule : d’une vie tranquille et insouciante, il est catapulté à la tête d’un immense empire. Déraciné, l’adolescent quitte, à regret, la modernité de Versailles pour Madrid, capitale d’un royaume qu’il ne connaît pas et dont il ne parle même pas la langue.

Quelques mois plus tard, le jeune monarque doit défendre sa couronne. Car une coalition internationale, menée par l’Autriche et l’Angleterre, refuse de le reconnaître et soutient la candidature de Charles de Habsbourg. C’est le début de la sanglante guerre de Succession d’Espagne. Philippe V s’engage avec ferveur dans ce conflit et gagne même le surnom de Philippe le Brave.

Après douze ans d’une guerre qui a mis l’Europe à feu et à sang, le rival de Philippe V, élu à la tête du Saint-Empire romain germanique, ne peut plus prétendre à la couronne d’Espagne. Mais, si la paix est enfin scellée à Utrecht en 1713, le conflit se poursuit à l’intérieur des frontières.

Crises de folie

Roi bâtisseur, grand réformateur et protecteur des arts et des lettres, Philippe V souffre, tout au long de son règne, de neurasthénie chronique et de psychose maniacodépressive. Ses violentes crises de mélancolie l’obligent souvent à vivre reclus. Si, à la fin de sa vie, il entretient une relation intrigante avec le célèbre castrat italien Farinelli, le seul capable de calmer ses crises en chantant pour lui les mêmes airs tous les soirs, le Roi à la personnalité complexe, obsédé par le sexe et la mort, peut surtout compter sur le soutien de ses deux épouses – Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, puis Élisabeth Farnèse.

En 1724, épuisé par sa santé mentale défaillante et un règne éprouvant, Philippe V abdique au profit de son fils aîné. Il se retire dans son palais près de Ségovie, mais, sept mois plus tard, le jeune Louis Ier meurt de la variole. Philippe V n’a d’autre choix que de remonter, une deuxième fois, sur le trône. Entre ses crises et le deuil qu’il ne parvient pas à surmonter, le Roi n’est plus en état de gouverner et fait vivre un enfer à ses ministres et à sa cour. À sa mort en 1746, le plus long règne que l’Espagne ait connu s’achève. Malgré ses troubles mentaux, le premier roi Bourbon d’Espagne, parfois discrédité par l’Histoire, est aujourd’hui reconnu pour avoir modernisé son royaume et maintenu son intégrité.

Cet article est paru dans le Télépro du 29/2/2024

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