Prague 1952 : le simulacre d’un infâme procès

Image extraite du documentaire «Le Procès - Prague 1952» à voir sur Arte © Arte/DR Pernel Media

Ce mardi à 22h55, Arte diffuse le documentaire «Le Procès – Prague 1952», à l’occasion des septante ans d’un procès qui décima la tête du parti communiste tchécoslovaque.

Aux ordres de Moscou, le président tchécoslovaque entame une purge à la tête du pays. Nous sommes en 1952, au cœur de la guerre froide. L’Europe occidentale est coupée en deux par un terrible rideau de fer qui plonge les pays communistes dans une nuit opaque. La Tchécoslovaquie, avant qu’elle ne se divise en Tchéquie et Slovaquie, est alors le valet le plus servile du grand maître soviétique qui y a placé un gouvernement fantoche et entièrement dévoué.

L’exigence du grand frère

Avant-guerre, la Tchécoslovaquie était un pays prospère et largement industrialisé qui possédait une bourgeoisie très active. Au début des années 1950, le président Klement Gottwald doit faire face au mécontentement grandissant de la population qui en a assez des pénuries et des entraves à la liberté. De plus, l’entente est loin d’être cordiale entre le numéro 1 du régime et le secrétaire du Parti communiste, Rudolf Slánský. Enfin, Staline, en bout de vie, voit des complots partout. Il exige des pays «frères» d’effectuer dans leurs rangs de vastes purges pour éviter les déviances yougoslaves qui ont conduit leur leader, Tito, à prendre son indépendance.

Boucs émissaires, toujours !

Gottwald se lance donc à son tour dans une chasse aux sorcières qui va priver le Parti communiste de la plupart de ses têtes pensantes. Comme par hasard, parmi les quatorze inculpés, onze sont juifs. Rien de plus facile que d’accuser ces derniers d’ourdir un complot aux relents sionistes, visant à mettre la main sur les richesses du pays. Malgré les millions de morts dans les camps de concentration, moins de dix ans plus tôt, l’antisémitisme atteint un nouveau paroxysme. Le président tchèque prétend aussi que ceux qui s’étaient engagés dans les brigades internationales, pour soutenir l’Espagne républicaine contre les troupes de Franco, sont des trotskistes. Et donc favorables au pire ennemi de Staline, mystérieusement assassiné au Mexique en 1940. Enfin, l’occasion est trop belle pour se débarrasser de Slánský qui aurait pu servir de poisson-torpille de Staline pour renverser le Président.

L’Aveu

Le simulacre de procès, qui se base sur des aveux de faits imaginaires arrachés sous d’atroces tortures, se termine par des condamnations à mort pour la plupart des accusés : Slánský, bien sûr, et quasi tous les membres du Comité central du Parti communiste et du Politburo, dont Vladimír Clementis, le ministre des Affaires étrangères.

L’un des rares à échapper à la sentence suprême est Artur London, le vice-ministre des Affaires étrangères, condamné à vie. Son récit inspirera le remarquable et terrible film «L’Aveu» (1970), de Costa-Gavras, avec Yves Montand et Simone Signoret. Les condamnés à mort sont exécutés par pendaison puis incinérés. Leurs cendres seront finalement jetées sur le bord de la route par le camion qui les transportait, pour l’alléger afin de progresser dans une tempête de neige… Gottwald meurt peu de temps après son retour de l’enterrement de Staline, le 14 mars 1953. Syphilitique et alcoolique profond, Gottwald n’en n’était que plus manipulable. Mais sa mort ne met pas fin aux purges. Quelques mois plus tard, le ministre de la Sécurité d’État, Osvald de Závodský, subira le même sort que les condamnés du procès de Prague.

Cet article est paru dans le Télépro du 1/12/2022

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