Propriété : d’où vient le droit d’avoir ?

Disposer à sa guise d’une surface terrestre qui nous appartient ne coule pas nécessairement de source © Arte/Archipel/François Catonné

De tout temps, les hommes ont voulu s’approprier des éléments, des objets et des terres qui, au départ, ne leur appartenaient pas… Ce mardi à 20h55, Arte diffuse le documentaire «Le Monde et sa propriété».

Le droit de propriété a été maintes fois bafoué au nom d’un système étatique totalitaire et collectiviste, par des guerres qui spolient les terres et en chassent leurs occupants légitimes, ou simplement parce que reprises dans un système pyramidal, comme celui de la féodalité. Celui-ci faisait du seigneur le détenteur du pouvoir de vie et de mort sur ses sujets et, bien entendu, sur leurs possessions. Entendons-nous bien, nous parlons essentiellement de propriété foncière, qui définit la surface de l’espace à son possesseur, tout en lui donnant une dimension économique.

Ce sont les Romains qui, les premiers, ont entrepris une politique systématique d’octroi de terres aux vétérans des légions pour les récompenser de leur fidélité et de leur bravoure. À partir du IIIe siècle sous Caracalla, le droit à la propriété sera étendu à tous les citoyens de l’Empire. La féodalité annihile ce droit personnel pour le fondre dans le cadre d’une hiérarchie de personnes prisonnières d’une échelle dont le sommet est le seigneur.

Le sacre…

Les choses évoluent plus tard avec le retour à la notion de propriété appartenant à une seule personne, reconnue dans un acte juridique. C’est la théorie du droit rationnel développée au XVIIe siècle par John Locke et Thomas Hobbes. Durant le Siècle des Lumières, les philosophes Kant et Hegel associent la propriété à l’exercice de la liberté individuelle, Hegel en fait une condition essentielle à l’épanouissement de la personne humaine.

Nous avons là tous les ingrédients nécessaires au développement des sociétés bourgeoises, régies notamment par La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui sacralise littéralement le droit de posséder. Le libéralisme peut éclore avec tous ses excès dans le désir de chaque propriétaire de faire fructifier son bien, notamment industriel, au détriment de la main-d’œuvre qui contribue à le développer.

… et le vol

Le libéralisme associé au capital voit éclore son contraire sous l’impulsion de philosophes comme Marx et Engels, qui deviendront les théoriciens d’une société collectiviste passant par la dictature du prolétariat. Proudhon, précurseur de l’anarchisme, osera même déclarer que «La propriété est le vol», tout en ajoutant : «L’anarchie est le plus haut degré de liberté et d’ordre auquel l’humanité puisse parvenir.»

Le déclin du libéralisme possédant

La Première Guerre mondiale marque une fracture importante dans la notion de la libre disposition de son bien. Non seulement les terres sont confisquées par les combats et rendues improductives par les éclats d’obus qui ferraillent le sol, sans compter les tranchées et les cimetières improvisés à la hâte, mais l’État intervient directement dans la production agricole et industrielle, désormais consacrée dans sa quasi sa totalité à l’effort de guerre.

Le pouvoir central prend ainsi une revanche sur un ensemble de prescriptions juridiques qui le prive d’une partie de son autorité au profit de celle des individus. Désormais, le libéralisme connaît un long déclin pour se fondre parfois totalement dans des économies dirigistes, comme celle des nazis ou des Soviétiques, avec un traître mot, celui de l’expropriation sans aucune indemnisation. De nos jours, si le droit de propriété est toujours une réalité, son exercice est soumis à des règles restrictives dictées par des politiques sociales qui visent à protéger des abus de pouvoir éventuels du possédant. 

Cet article est paru dans le Télépro du 8/12/2022

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