Que mangeait-on à la table de François Rabelais ?

François Rabelais © Isopix

Samedi à 16h10 sur France 3, Julie Andrieu nous convie à la table de François Rabelais, pour revivre les festins du XVIe siècle.

Pantagruélique ou gargantuesque ? Les personnages créés par Rabelais, Pantagruel et Gargantua, ont ainsi donné naissance à des adjectifs pour qualifier l’abondance de mets proposés lors d’un somptueux banquet.

Les Gastrolâtres

On ne se sait pas quand est né et mort François Rabelais. Mais c’est sans aucun doute du côté de Chinon, au manoir de la Devinière – qui existe toujours -, qu’il voit le jour à la fin du XVe siècle, pour décéder vers 1553.

Bénédictin, médecin, philosophe, amoureux de la bonne chère et de la dive bouteille, il signe notamment, parmi ses œuvres phares, «Horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel», suivi de «Vie inestimable du grand Gargantua, père de Pantagruel». Des ouvrages qui nous livrent tous les dessous de la gastronomie – terme inventé en 1801 par un certain Berchoux – au temps de Rabelais et de la langue utilisée dans l’art culinaire de la Renaissance.

L’auteur avoue un grand faible pour une peuplade purement imaginaire qu’il nomme gastrolâtres, de fieffés paresseux qui craignent par-dessus tout d’offenser leur ventre et surtout de l’amincir ! Ils ont un dieu, Gaster, auquel ils sacrifient une liste impressionnante de produits qu’ils enfoncent dans la bouche de la statue qui le représente, baptisée Manduce.

Porcs-épics et flamants

Il faut avoir un solide appétit pour ingurgiter les carbonnades dont on relève six sortes, les boudins, les hochepots, les boudins et les andouillettes qui piquent à souhait sous leur robe de moutarde. Certes, le gibier classique a la cote, comme les sangliers, les faisans ou les ortolans chers à François Mitterrand, mais aussi plus étonnamment les porcs-épics ainsi que tous les oiseaux, parmi lesquels les flamants.

Les poissons ne sont pas en reste. Notamment le caviat, mot ancien désignant le caviar car à l’époque, on pouvait pêcher l’esturgeon dans l’estuaire de la Seine. Mais on déguste aussi de la chair de baleine et des tortues de mer à côté des plus classiques homards et langoustes, prouvant ainsi qu’à l’époque, la nature regorge d’espèces aujourd’hui disparues de nos contrées. Rabelais ajoute toute une série de plats régionaux dont certains se sont perdus dans nos souvenirs.

La science de la gueule

La nourriture et ses plaisirs sont si présents chez Rabelais que Gargamelle, mère de Gargantua, met au monde son fils après avoir dévoré du bœuf gras par… l’oreille. Mais l’écrivain, toujours en délicatesse avec les censeurs de l’époque qui lui reprochent de s’éloigner de l’orthodoxie des préceptes chrétiens, dépasse presque les limites en faisant manger par son héros six pèlerins dans une salade de laitue. Fort heureusement, après un détour pas son estomac, ils réapparaissent entre ses dents. Les écrits rabelaisiens foisonnent de l’art d’accommoder les plats les rendant ainsi immangeables à l’homme moderne. Comme «les œufs frits, perdus, suffoqués, étouffés, traînés par les cendres, jetés dans la cheminée».

Mais si le Bénédictin rebelle apprécie la «science de la gueule» et la «dive bouteille», il s’en prend dans son œuvre aux moines ripailleurs qui habitent l’abbaye de Thélème, assimilée au Pays de Cocagne, avouant néanmoins une préférence pour le carnaval et non le carême. Ne faut-il pas, comme Rabelais le disait si bien, «rompre l’os pour trouver la substantifique moelle», propos tout en nuance face à une censure ecclésiastique implacable ? 

Cet article est paru dans le Télépro du 9/2/2023

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