Roland de Lassus, maestro belge méconnu

C’est l’un des plus grands compositeurs de la Renaissance. Il est né à Mons et pourtant, peu de Belges le connaissent. Le documentaire « Orlando », samedi à 22h45 sur La Trois, retrace le parcours hors norme de Roland de Lassus.

On dit de lui qu’il fut à la musique de son époque, le XVIe siècle, ce que Bach fut à la musique baroque et Mozart à la musique classique. Né à Mons en 1532, Roland de Lassus s’initie au chant dans sa ville natale, à l’église Saint-Nicolas, où il est enfant de chœur. La légende raconte qu’il aurait été victime de trois tentatives d’enlèvement par de riches seigneurs à cause de la beauté de sa voix ! Ferdinand de Gonzague, général de Charles Quint et vice-roi de Sicile, le convainc de le suivre en Italie. Il a 12 ans et c’est le début d’une jeunesse aventureuse.

Appelez-moi Orlando

Le jeune page-musicien séjourne à Palerme, puis à Milan où il parachève sa formation musicale et se fait désormais appeler Orlando di Lasso.

Lorsque sa voix mue, Orlando quitte Ferdinand de Gonzague pour un autre protecteur, Constantino Castrioto, qui l’emmène à Naples. De là, Lassus se rend à Rome, où il obtient, à 21 ans à peine, le poste de maître de chapelle de la basilique Saint-Jean-de-Latran. Pourtant, l’année suivante, un intrigant gentilhomme napolitain l’entraîne en Angleterre. Cet inquiétant personnage veut approcher la reine Marie Tudor, fort entichée de musique. Mais les arrière-pensées politiques de l’aventurier sont vite découvertes. Il est emprisonné et expulsé. Et Lassus avec lui.

Retour en Belgique

La maladie, puis la mort de ses parents, le forcent à rentrer à Mons. Après un bref séjour en France, Lassus passe deux ans à Anvers. En 1556, il est engagé comme ténor à la cour du jeune duc Albert V de Bavière, avant d’être nommé sept ans plus tard, maître de chapelle de la cour à Munich. Il épouse Regina Wäckinger, la fille d’une des dames d’honneur de la duchesse. Elle lui donne six enfants. Orlando restera en poste à Munich jusqu’à sa mort, le 14 juin 1594, ce qui ne l’empêchera pas de séjourner souvent à l’étranger, partout où sa renommée l’appelle.

Anobli et honoré par le Pape

À Paris notamment où il est invité par Charles IX. Sa notoriété est telle qu’à 34 ans, Samuel Quicchelberg lui consacre déjà une biographie. En 1570, l’empereur Maximilien II l’anoblit, fait rare pour un compositeur. Et le pape Grégoire XIII le nomme Chevalier de l’éperon d’or, titre que la papauté octroiera plus tard à Mozart.

Beaucoup de rois et d’aristocrates tenteront d’éloigner Lassus de Munich avec des offres plus attrayantes, mais il décline. « Je ne veux pas quitter ma maison, mon jardin, et les autres bonnes choses à Munich. »

Deux mille œuvres

Parallèlement à sa carrière de chanteur et de maître de chapelle, Lassus a aussi énormément composé. Plus de deux mille œuvres. Profondément croyant, on lui doit cinquante-deux messes, quatre Passions, des magnificat, des psaumes, des requiem et plus de 700 motets. Roland de Lassus excella aussi dans la musique profane, sérieuse ou légère. Ses 141 chansons en français lui ont valu de très grands succès. Il peut à ce titre être légitimement considéré comme le père de la chanson française. Il a aussi composé des lieder allemands et des madrigaux italiens.

« Le Prince des musiciens »

Capable de passer sans transition du grave au burlesque, de la rêverie à la passion, de la farce à l’austérité, Orlando est l’un des compositeurs les plus prolifiques et les plus joués de son temps. Ses illustres contemporains, le poète Pierre de Ronsard et le mathématicien Galilée, le surnommaient « le Prince des musiciens ». C’est aussi le premier musicien européen de l’Histoire. On retrouve les traces de son œuvre en Belgique, en France, Italie, Angleterre, Espagne et bien sûr en Allemagne. Et aujourd’hui bien au-delà du Vieux Continent. Puisque, près de 500 ans après sa mort, les partitions de Roland de Lassus continuent d‘être inlassablement explorées par des interprètes du monde entier.

Cet article est paru dans le Télépro du 14/11/2024

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