Arthur Rambo : Dr Jekyll et Mister Hyde

Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, photographiés en 2016 © Getty Images

En 2017, Mehdi Meklat, jeune auteur français au succès grandissant, voit sa réputation s’écrouler avec la révélation de tweets ignobles, écrits sous pseudonyme. Laurent Cantet s’est inspiré de cette affaire pour réaliser un film troublant.

Tipik diffuse dimanche à 20h05 le film inédit «Arthur Rambo», œuvre inspirée de l’affaire Mehdi Meklat (31 ans), écrivain et chroniqueur jadis apprécié. Notamment par le cinéaste Laurent Cantet, connu pour filmer la jeunesse («Entre les murs», Palme d’Or à Cannes en 2008). Comme d’autres fans de ce brillant auteur, il s’est posé – et se pose encore – des questions sur les messages homophobes, racistes, sexistes et antisémites que ce dernier a déversés en ligne.

«Je trouvais que Mehdi avait une tête bien faite. Et d’un seul coup, j’ai eu un vertige. Comment une personne avec qui je pouvais me trouver si souvent en phase avait pu être l’auteur de propos irrecevables ?», dit le réalisateur. «Arthur Rambo» retrace donc l’histoire de Karim D., joué par Rabah Naït Oufella, rattrapé par les tweets haineux de son alter ego sur les réseaux, Arthur Rambo…

Ombre et lumière

Avec l’un de ses amis, Badroudine Saïd Abdallah, Mehdi Meklat a débuté en parlant des banlieues sur le Bondy Blog, média en ligne dédié à la vie des quartiers populaires. Remarqués par la journaliste Pascale Clark, ils deviennent chroniqueurs sur France Inter de 2010 à 2015, publient des livres («Burn Out», «Minute»), sont invités à «La Grande librairie» sur France 5 et font la une des Inrockuptibles en janvier 2017.

Un mois plus tard, c’est la chute. Après avoir été longtemps présent sur Twitter (actuel X) sous le pseudo de Marcelin Deschamps, Mehdi vient de reprendre sa véritable identité, mais sans supprimer des réflexions révoltantes formulées par ce double. Certains connaissent sa duplicité, dont une enseignante qui lance, après avoir vu Mehdi Meklat à la télé : «C’était insupportable de savoir que ce mec horrible allait être invité partout pour son livre !»

L’écrivain efface quarante mille de ses tweets injurieux. Trop tard. Il y a eu des captures d’écran. Le dessinateur Joann Sfar déclare : «Je trouve ça inexcusable quand on se veut représentant de la jeunesse.»

Pour Gilles Clavreul, délégué à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme : «L’effet de sidération est général. Meklat a bénéficié d’une indulgence incompréhensible.» Si Bondy Blog et France Inter tournent le dos au jeune homme, Pascale Clark tempère : «À l’antenne, il n’avait été que poésie, intelligence et humanité.»

Une sidérante énigme

L’accusé s’explique sur Facebook et dans Télérama : «Marcelin Deschamps était une part d’ombre honteuse. C’était un travail littéraire, artistique, sur l’horreur en fait. Plus il allait loin, moins il voulait s’arrêter. Il m’a dépassé !»

Ses saillies abjectes ayant été postées bien des années auparavant, le docteur Jekyll et Mister Hyde du Net échappe aux poursuites judiciaires pour prescription. Et exprime ses excuses dans le livre «Autopsie» en 2018.

Laurent Cantet conclut sur TF1 Info : «Mehdi est, je pense, une énigme pour lui-même. Le pseudonyme a aidé à libérer ses pulsions. Il m’apparaît un peu comme un apprenti sorcier. Cette affaire symbolise toute l’ambiguïté des réseaux sociaux qui génèrent une course à la popularité, poussent à dire un peu n’importe quoi et où choquer est un moyen de séduire.»

Cet article est paru dans le Télépro du 23/11/2023

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