Bidonvilles : la honte de l’Europe

Un jeune d’un bidonville de Madrid joue de la guitare en attendant des bulldozers envoyés pour démolir son quartier et qui, finalement, ne viendront pas... © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Ce jeudi à 18h55 dans «Arte Regards», direction Madrid dans la plus grande favela d’Europe occidentale. Plusieurs milliers d’habitants y vivent de façon précaire au rythme des coupures d’électricité.

Si nous posons parfois un regard accablé sur les bidonvilles des pays comme l’Inde ou le Brésil, notre Vieux Continent n’est pas exempt de ces lieux définis par l’ONU comme «une zone surpeuplée, dotée d’un accès insuffisant à l’eau, à l’assainissement et où la structure du logement est très faible».

7.000 habitants

Le terme bidonville désignait, à la fin des années 1930, ces quartiers périphériques de Casablanca construits par des ruraux, à l’aide de matériaux de récupération, dont de vieux bidons coupés en morceaux. Par extension, le mot fut employé pour tous les endroits précaires et organisés spontanément par ceux qui y résident. Si en Inde on parle de «slums», au Brésil de «favelas» et en Argentine de «barriadas», peu importe le vocabulaire utilisé la traduction est immuable : lieu de misère. En Europe, c’est donc à Madrid que se trouve le bidonville le plus peuplé. Appelé Cañada Real, cet îlot s’est constitué dès les années 1960, juste aux portes de la capitale espagnole, pour y «accueillir», aujourd’hui, environ 7.000 personnes. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation gêne particulièrement l’État ibérique qui tente de s’en débarrasser, quoi qu’il en coûte… «Madrid ne cesse de s’agrandir, et de nouveaux quartiers doivent être construits à proximité. Alors que les jours du bidonville semblent comptés, les méthodes employées par les autorités sont plus que discutables», relate le magazine d’Arte. «En plus des coupures d’électricité, il y a le sable, déversé en grande quantité à proximité des habitations. Les résidents y voient un moyen de les faire fuir, car la pluie peut, en un rien de temps, transformer le sol en une coulée de boue.»

Dans le pays d’à côté…

Nos voisins Français n’échappent pas au phénomène. Dans le monde de l’après-guerre, à partir des années 1950, c’est la ville de Nanterre qui vit de nombreux bidonvilles se construire à la hâte. «Au cours des deux décennies suivantes, ils comptèrent plus de 10.000 habitants et devinrent le symbole de la relégation des Nord-Africains», détaille le magazine Géo. Si l’État français a réglé la situation des Nanterriens durant les années 1970, les bidonvilles sont revenus en force, dans l’Hexagone, à l’aube du nouveau millénaire. En 2019, on estimait à 17.600 le nombre de personnes vivants dans un bidonville sur le sol français. S’il va de soi que les bidonvilles sont intolérables pour la dignité humaine, à l’heure actuelle, de nombreux acteurs sociaux dénoncent la réponse inefficace du gouvernement face au problème, à savoir : l’expulsion sans relogement. «Ces expulsions à répétition sont lourdes de conséquences sur la santé des personnes vivant dans les bidonvilles en France», dénonce l’organisme Médecins du monde. «Aujourd’hui, les politiques du logement ne laissent pas la moindre ouverture aux personnes précaires.»

Pas de ça chez nous ?

Chez nous, il n’y a pas de bidonville d’une ampleur comparable à celui de Madrid à signaler. Néanmoins, de petits camps sont parfois constitués. Comme en 2015, où, au cœur de Bruxelles, une soixantaine de personnes venues de Roumanie (où leur communauté des gens du voyage est persécutée) s’étaient établies dans le parc de Tours et Taxi. Le campement avait finalement été démonté, dans le calme, la Ville de Bruxelles ayant permis aux familles de rassembler leurs effets personnels. C’est finalement le Samusocial qui avait relogé les 50 adultes et 14 enfants en centre d’accueil.

Cet article est paru dans le Télépro du 18/5/2023

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