Ces camps nazis oubliés

Les camps de concentration et leur main-d’œuvre gratuite sont un maillon clé du système économique d’Hitler En Silésie, les détenus creusent les souterrains du projet secret Riese © RTBF/RMC Production
Stéphanie Breuer Journaliste

Plus de 75 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux camps nazis sont encore découverts en Europe. Un sujet étonnant évoqué ce samedi à 20h35 sur La Trois dans «Retour aux sources».

En 1945, un peu plus de deux mille camps nazis avaient été dénombrés. Aujourd’hui, plus de 44.000 sont recensés ! «Retour aux sources» enquête sur ces camps perdus du III e Reich. Car partout où l’armée nazie passait, des camps ont été créés, puis parfois oubliés. Certains sont encore mis au jour en Norvège, en Pologne et même dans les îles Anglo-Normandes. Dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, des camps voient le jour en Allemagne. Alors que le pays traverse une grave crise économique, les opposants politiques y sont enfermés.

Si, au départ, l’organisation des camps est plutôt anarchique, elle va rapidement se rigidifier. Et le camp de Dachau, près de Munich, devient le modèle des futurs camps nazis. Sous l’impulsion de son responsable Théodor Eicke, il se dote d’un règlement sévère, d’un régime de sanctions et d’un système de kapos (des prisonniers chargés d’en commander d’autres). Dans ce camp de concentration où règnent la violence et la terreur, l’objectif n’est pas d’exterminer les prisonniers, mais de les briser. Dès 1939, ceux-ci y meurent en masse.

Dachau comme modèle

Peu à peu, les prisonniers changent : aux opposants politiques succèdent les Tziganes, les témoins de Jéhovah, les homosexuels. De nouveaux camps sont construits sur le modèle de Dachau au fil de l’expansion nazie. Au début conçus à des fins répressives, ils prennent une autre dimension avec le déclenchement de la guerre. Car la main-d’œuvre vient à manquer… Pour Hitler, cette main-d’œuvre forcée et gratuite est une composante essentielle de ses projets. Raison pour laquelle des camps sont créés dans les territoires occupés par la Wehrmacht, comme sur la petite île anglo-normande d’Aurigny, au large du Cotentin. Des milliers de prisonniers, détenus sur ce caillou déserté par ses habitants, participent à la construction de fortifications destinées à consolider le fameux Mur de l’Atlantique.

Polar Line

En Norvège, les nazis installent plus de cinq cents camps, dont celui de Falstad où les prisonniers de guerre les plus récalcitrants sont incarcérés et torturés. Pour ce pays à l’importance stratégique, Hitler imagine une idée démentielle : la Polar Line, une ligne de chemin de fer jusqu’à l’Arctique. Pour longer la côte escarpée, ce projet pharaonique nécessite de creuser 93 tunnels et de bâtir 40 ponts ! Mais pour les nazis, il n’est pas question que des Norvégiens, modèles de la race aryenne, soient mis au travail forcé. Alors, les populations des territoires conquis à l’est sont envoyées sur ces chantiers. Les esclaves de la Polar Line, pour la plupart soviétiques, affrontent le froid et la faim dans cette entreprise qui sera un fiasco total.

Après la guerre, lorsque l’URSS bascule dans le camp ennemi, la mémoire de ces détenus est peu à peu oubliée. En cause ? L’opération secrète Asphalte chargée de déplacer les tombes aux confins du pays et de détruire les monuments aux morts. Enfin, dans le sud de la Pologne, des camps, disparus des mémoires et des paysages, sont aussi mis au jour. Là, des détenus ont travaillé sur le projet secret Riese. Des milliers de Juifs, dont très peu ont survécu, ont réalisé des travaux titanesques dans des conditions extrêmes : creuser des souterrains destinés à devenir un refuge pour Hitler et son état-major, harcelés par les bombardements alliés à Berlin. 75 ans plus tard, la découverte de ces camps, par des historiens locaux aidés des nouvelles technologies, montre que la période la plus sombre du XXe siècle n’a pas encore révélé toute l’étendue de son horreur…

Cet article est paru dans le Télépro du 30/3/2023

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